Exigence d’authenticité et de qualité en ferme auberge
Maintenir un restaurant dans une ferme-auberge nécessite de l’aisance,de la technique et de la créativité. Histoire d’un parcours.
Avec le printemps qui pointe son nez, les fermes auberges rouvrent leurs portes pour restaurer leurs clientèles locales et de passage. Monter une ferme auberge impose des règles dont les plus connues sont de produire et de transformer pour la restauration à la ferme des produits sains issus de la ferme : volaille, mouton, légumes, fruits, porcs... Mais tout cela ne suffit pas pour fidéliser sa clientèle et maintenir une activité économique au sein de l’exploitation. À 1 150 mètres d’altitude dans le village ardéchois Usclades et Rieutord, à quelques minutes du Mont Gerbier de Jonc, Mathieu Méjean, 30 ans, est aux commandes d’un restaurant prometteur : la ferme auberge de la Besse. L’établissement a décroché une assiette au guide Michelin et une toque dans le Gault et Millau. Après le récent départ à la retraite de ses parents de l’exploitation qui est constitué de 60 ha de bois landes en parcours et de 15 ha de prairies, d’un élevage en ovin bio de 80 bêtes dont 37 agneaux, Mathieu Méjean est à son compte depuis mars. Par le passé, son père avait développé une activité de transformation, de charcuterie au sein de l’exploitation pour valoriser les produits. Pendant la période de la mi-mars jusqu’au mois de novembre, la ferme auberge accueille un grand nombre de clients qui viennent parfois de loin, de la Drôme, du Gard, des Bouches-du-Rhône pour passer une journée sur le plateau ardéchois, se restaurer et se promener dans les paysages fabuleux autour du Mont Gerbier de Jonc et du lac d’Issarlès.
Privilégier une cuisine
de qualité et créative
« Nous avons réussi à fidéliser une clientèle qui n’hésite pas à rouler pendant deux heures pour venir manger dans une région isolée et dépeuplée. Il ne s’agit pas de la décevoir. Nous sommes saisonniers. L’été, on travaille 16 heures par jour et en continu. On ne peut pas se permettre de fermer. Nous voulons limiter le nombre de couverts pour mieux maîtriser l’activité restauration. Le nombre de couverts peut varier en fonction des groupes ou des personnes que nous accueillons »,explique Éliane Méjean, la mère de Mathieu. Ici, la cuisine est soignée, inventive et décorative. Mathieu privilégie une cuisine de qualité, des légumes sains, des plantes naturelles aromatiques, des espèces comestibles qu’il cultive dans son jardin ou qu’il ramasse dans les prairies naturelles, comme le ciste, la pimprenelle, la renouée. Il s’est fait aider et accompagner par un botaniste pour recenser toutes les plantes naturelles de la région, des environs du Mont Gerbier de Jonc. L’exploitation, certifiée agriculture biologique, possède ses propres prairies qui sont entretenues avec de la fumure naturelle de brebis. « On utilise rarement des engrais. Nos brebis noires du Velay sont toutes élevées en bio »,ajoute Mathieu.
Le jeune fermier aubergiste n’est pas venu à la restauration sur un coup de tête. Après une formation hôtelière à l’école hôtelière de Bourg-Saint-Andéol (07) et à la CCI d’Avignon (84) à 18 ans, il prend son bâton de pèlerin pour faire ses armes de cuisinier jusqu’à 28 ans. Il entreprend un grand périple pendant dix ans en travaillant dans plusieurs restaurants en Suisse, à Courchevel, à Montpellier, à Rochegude (26) au château de Rochegude, un établissement relais & châteaux comme chef de cuisine pendant une année... « Après ce tour de France, ma volonté, en arrivant dans l’exploitation, était de travailler des produits frais issus du jardin ou des prairies naturelles. La biodiversité des prairies est un atout pour l’élevage. J’ai la chance de vivre dans un cadre privilégié. Je ne veux pas faire de la cuisine traditionnelle mais il n’est pas question de ne pas travailler le terroir, surtout ici. Mes poissons viennent d’un lac à côté, mes agneaux et mes plantes aromatiques sont produits par moi-même et le tout est servi dans une salle voûtée du XVe siècle », assure Mathieu Méjean. Pour avoir plus d’aisance dans son métier, le jeune aubergiste ardéchois s’est rallié à l’association Les Toqués d’Ardèche où sont présents de nombreux restaurateurs. « Cela permet d’avoir des échanges entre nous et de sortir d’un certain isolement voire d’un cloisonnement. Nous faisons des opérations communes, des promotions de produits locaux comme avec les vignerons », conclut Mathieu.
Faire/ne pas faire
« Dans une ferme auberge, il faut soigner l’accueil. Il faut accueillir ses clients comme des amis. La clientèle souhaite, aujourd’hui, manger une cuisine moins grasse, il faut en tenir compte dans ses plats. Cela nécessite beaucoup d’adaptation. Il faut arriver à faire découvrir son univers. Il ne faut surtout pas baisser la qualité et l’authenticité de ses produits »,explique Mathieu Méjean de la ferme auberge de La Besse. « Dans une ferme auberge, témoigne Pierre Streijc qui dirige une ferme auberge chalet en montagne, en Alsace, à Saintes-Maries-aux-Mines, nous privilégions les bons produits et les plats typiques. C’est ma grand-mère qui cuisine les plats traditionnels. Notre carte attire la clientèle d’Alsace et des Vosges : jambon en croûte, roulade de bœuf à la demande. Nous avons un élevage de 50 porcs de race, 40 bovins, des lapins, poules, chèvres et nous transformons tout sur place.»