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Raniculture
Écloseur recherche engraisseur

  Il se consommerait en France environ 800 tonnes de grenouilles par an. Une centaine est prélevée dans le milieu naturel en Franche-Comté, cinq autres tonnes proviennent d’élevages français. Tout le reste est importé, principalement de Turquie. « Il y a donc des places à prendre », challenge Agnès Joly, gérante de la société Aquaprimeur. Au départ de son écloserie basée à Blainville-sur-Orne (14), elle a expédié l’an dernier 60 000 grenouillettes en engraissement. Elle plaide pour une montée en puissance au niveau régional de la raniculture.

La raniculture (l’élevage de la grenouille) en France se compte sur les doigts d’une main, fut-t-elle amputée d’un de ses éléments. On en dénombre quatre selon la Chambre régionale d’agriculture de Normandie (Cran). Et pourtant, elle offre une opportunité de diversification qui pourrait intéresser éleveurs ou pisciculteurs en quête d’originalité et de complément de revenu. Une filière où tout, ou presque, reste à inventer, mais pour laquelle la Région s’est positionnée dans les starting-blocks du développement. 

Présidente du Caen

Agnès Joly n’est pas une illuminée. Fille de médecin, elle a pataugé pendant plus de 20 ans dans l’agroalimentaire, versus « produits de la mer ». Doctorante en biochimie, chercheuse en Espagne, huit années passées dans des pays de poissons (Suède et Islande), elle a fini par s’ennuyer décidant in fine de se lancer dans l’aquaculture. Un CV certes un peu à l’emporte-pièce, mais couronné par la création de la société Aquaprimeur (écloserie de grenouilles) et la présidence du Comité des aquacultures émergentes de Normandie (Caen). Dans ce parcours atypique, elle a appris les fondamentaux du métier durant trois ans chez Patrick François, pionnier raniculteur dans la Drôme, avec qui elle a fini par s’associer. « Je me suis rendue compte que c’était plus difficile que je ne le pensais. Il n’y a rien d’écrit. » 
Pas de quoi calmer son ardeur. En 2018, elle investit un million d’euros (subventionné à 50 % par la Région) dans une ancienne scierie de la banlieue caennaise pour la transformer en nurserie-écloserie. Après deux ans de travaux, l’activité démarre en 2020 avec un premier bilan 2021 à la hauteur de ses attentes. « Une bonne année. J’ai expédié à Patrick 60 000 grenouillettes », précise Agnès Joly.  

Animal à sang-froid

Il y a encore beaucoup à apprendre sur l’élevage de la grenouille et Agnès fait ses gammes. 
Une montée en puissance qui sera d’autant plus rapide qu’elle sera collective. « C’est un animal à sang-froid. Au-dessous de 18 ºC, elle ne s’alimente plus. Sa zone de confort, c’est 20 à 25 ºC »
En d’autres termes, si vous voulez vous lancer sur bâche camion, liner, ciment lissé, fibre de verre non chauffée, vous ne ferez qu’un lot par an. En atmosphère contrôlée, par exemple via un méthaniseur, ce peut être deux lots par an. 
Côté nourriture, deux à trois fois par jour selon le stade, il n’existe pas d’aliment spécifique. 
Agnès se fournit auprès du Gouessant. Sur ce plan, un cou de collier en recherche et développement serait le bienvenu même si cette activité reste un micromarché.  

Une activité chronophage

L’élevage de la grenouille reste chronophage. « Il faut alloter tous les 15 jours à cause de vitesses de croissances très disparates. Or, les grosses mangent les petites. On peut laisser faire, c’est une stratégie ». Pas celle en tout cas choisie par notre ranicultrice qui invite les Géo Trouvetou à créer une machine de triage. Une zootechnie par ailleurs qui illustre le gros travail génétique à réaliser pour homogénéiser les croissances. La rivan 92, espèce domestique issue d’un croisement réalisé par l’Inra et que l’on ne doit pas élever en milieu naturel, n’a pas dit son dernier mot. 
Il faut aussi maîtriser la reproduction. Une fécondation externe qualifiée d’amplexus (mode d’accouplement par embrassement des amphibiens) qui prend son temps. « Le mâle reste sur la femelle jusqu’à ce qu’elle ponde. Cela peut prendre trois semaines ». De ce rapport XXL sortiront 2 000 œufs environ qui se métamorphoseront en « 100 à 200 têtards survivants. Sur ce point aussi, il y a quelque chose à travailler », car cela oblige Agnès à conserver beaucoup de reproducteurs à cause d’un taux de renouvellement très faible et à marge de progrès importante.
On l’aura compris, la raniculture n’est pas un long fleuve tranquille, mais elle fait partie de notre patrimoine culinaire français. En cela, elle se mérite. À la coupe parisienne (les cuisses et la colonne vertébrale) ou à la coupe lyonnaise (toute la carcasse), les maîtres-queux en demandent. •

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