GNR : cinq leviers pour réduire la consommation du tracteur
Un tracteur à l’entretien négligé voire mal utilisé affiche une surconsommation de gazole non routier (GNR) pouvant aller jusqu’à 60 %. Il s’avère donc important de mettre en place des leviers pour abaisser le coût du poste carburant.
Un tracteur à l’entretien négligé voire mal utilisé affiche une surconsommation de gazole non routier (GNR) pouvant aller jusqu’à 60 %. Il s’avère donc important de mettre en place des leviers pour abaisser le coût du poste carburant.






1. Le bon tracteur pour le bon usage
Il convient en premier lieu de se questionner sur l’opportunité de disposer d’une grosse puissance. Des essais comparatifs par le réseau des Cuma de l’Ouest le démontrent. Avec les mêmes outils (charrue déchaumeuse, scalpeur à pattes d’oies et cultivateur à bêches rotatives), un tracteur 4 cylindres de 150 chevaux réalise le même travail qu’un 6 cylindres de 170 chevaux. « Le gros tracteur n’est pas valorisé avec ces outils. Et il consomme de 35 à 60 % de carburant en plus par rapport au petit ! »
À l’inverse, un petit tracteur attelé à une grosse charge (tonne à lisier par exemple) consommera plus qu’un engin plus puissant pour réaliser le même travail. « Il faut étudier cela et mettre tout en corrélation pour trouver le bon compromis sans faire exploser les charges de mécanisation... », résume Gauthier Savalle, animateur agroéquipement à la fédération des Cuma Seine Normande.
2. Connaître les courbes de puissance du tracteur
Bien connaître les plages de puissance optimales des moteurs permet d’adapter sa conduite. « Avec une conduite adaptée, on peut réduire de 10 à 15 % sa consommation », calcule Gauthier Savalle. Si l’électronique embarquée apporte une assistance précieuse pour adapter le régime moteur, « il est toujours intéressant de connaître sa plage de rupture », insiste-t-il.
Malheureusement, les bancs d’essais “moteurs” se font rares dans la campagne normande. Ils sont pourtant utiles. Même si la plupart des constructeurs fournissent aujourd’hui les courbes de puissance de leurs tracteurs, il est important de les suivre dans le temps. Ainsi, deux tracteurs de même marque et de même modèle peuvent évoluer différemment dans le temps selon les tâches auxquelles ils sont dévolus.
3. Régler sa variation continue
Si les boîtes à variation continue apportent un confort certain dans l’utilisation des régimes moteur, l’importance d’un bon réglage a été démontrée par le réseau des Cuma. Ainsi, le magazine Entrait, rapporte l’expérience conduite par les Cuma de l’Ain, qui, suite au réglage du superviseur de sous-régime d’une boîte, ont enregistré une baisse de consommation du moteur de l’ordre de 15 %. « Il faut aussi garder en tête que les boîtes à variation continue sont efficaces pour les travaux de précision, ou pour du travail à charges irrégulières, poursuit Gauthier Savalle. Mais elles le sont moins avec des charges régulières, surtout en terrain plat. »
4. Bien entretenir son moteur
Seuls 16 % du carburant consommé est dévolu à la traction. Une part conséquente de l’énergie (de l’ordre de 30 %) est en effet utilisée pour le fonctionnement du moteur à proprement parler. Circuit de refroidissement performant, nettoyage des filtres, vidange… Un bon entretien du tracteur permet donc de limiter l’énergie qui est consacrée à cette fonction. De quoi limiter la consommation de 5 à 10 %.
5. Gérer la pression des pneus à chaque attelage
Enfin, une gestion précise de la pression des pneumatiques a également un impact direct sur la consommation. Ainsi que sur la vitesse de travail et la compaction des sols. Toute une science... Si, sur la route, une pression élevée est évidemment recommandée, aux champs, mieux vaut pouvoir la diminuer. L’enfoncement, néfaste sur le plan agronomique, impacte aussi la consommation en augmentant le frottement. Néanmoins, une réduction trop importante de la pression peut aussi créer une surconsommation. « Disposer d’une masse pour chaque outil et d’un tableau de pressions pour chaque attelage, c’est l’idéal pour bien gérer les pneumatiques, résume Gauthier Savalle. C’est du travail au début, mais cela permet ensuite de gagner du temps et de l’efficacité. »
Le télégonflage peut être une solution pour permettre de gérer le passage entre route et champs. Mais il est important de bien l’utiliser. « On a par exemple constaté dans un essai d’épandage que le temps que les pneus se dégonflent, la tonne était déjà vide, raconte Gauthier Savalle. On n’a pas vraiment profité de la baisse de pression, et il faudrait alors que les pneus soient bien gonflés pour repartir sur la route… »•
Fabacée : une approche globale des économies d’énergie
Dans le cadre du programme Fabacée, la fédération des Cuma va accompagner des groupes d’agriculteurs souhaitant réaliser des économies d’énergie sur le secteur de la Seine-Maritime et de l’Eure. « Parmi les problématiques identifiées pour le moment figure notamment la réduction de consommation d’énergie directement en parcelles », explique Gauthier Savalle. Fabacée est un programme qui s’intègre dans un appel à projets sur les Certificats d’économies d’énergie (CEE).
« C’est un mécanisme que l’association Aile et le réseau Cuma utilisaient déjà dans le cadre de leur service de diagnostic de moteur de tracteur », rappelle Armelle Damiano, animatrice Aile. « Ce qui est nouveau, c’est d’avoir lancé un appel à projets national à l’été 2023 pour mettre en œuvre des programmes avec une ambition plus forte ». Avec l’objectif de financer des économies d’énergie, non plus poste par poste, mais dans la globalité du système d’exploitation.
Consommation de GNR : une charge négligeable ?
Selon l’Arpida, l’Association régionale des partenariats pour l’innovation et le développement agricole en Normandie, le poste des carburants et lubrifiants représente entre 8 et 30 % des charges de mécanisation. Soit entre 63 et 80 euros/ha selon les systèmes, environ 3 % des charges totales d’exploitation. S’y pencher n’a donc rien de superflu. « Pendant 25 ans nous avons réalisé des passages de tracteurs aux bancs d’essai, notamment en Normandie, témoigne Armelle Damiano. Et en moyenne, on a constaté qu’une bonne utilisation du tracteur peut amener une économie d’1,5 litre par heure. Sur un tracteur à 600 heures, on parle donc d’à peu près 900 litres de réduction de consommation annuelle ». Même si le tarif du GNR est plutôt sur une tendance baissière après le bond provoqué par la crise russo-ukrainienne, on comprend vite que cette réduction de consommation n’a rien de négligeable.