Réforme des retraites : vers un accès élargi aux minimas
Au-delà des mesures d’ordre général (âges légaux, durées de cotisation, carrières longues), le projet de réforme des retraites doit permettre un meilleur accès des agriculteurs aux pensions minimales, qu’il s’agisse du plancher de 85 % du Smic mis en place par la loi Chassaigne ou de l’Aspa (ex-minimum vieillesse). Toutefois, le flou demeure sur l’accès des agriculteurs au nouveau plancher de 85 % du Smic pour les carrières multi-métiers.
Au-delà des mesures d’ordre général (âges légaux, durées de cotisation, carrières longues), le projet de réforme des retraites doit permettre un meilleur accès des agriculteurs aux pensions minimales, qu’il s’agisse du plancher de 85 % du Smic mis en place par la loi Chassaigne ou de l’Aspa (ex-minimum vieillesse). Toutefois, le flou demeure sur l’accès des agriculteurs au nouveau plancher de 85 % du Smic pour les carrières multi-métiers.

Pas de système à points, pas d’harmonisation des cotisations… Pour les agriculteurs, le projet de réforme des retraites présenté par Élisabeth Borne le 10 janvier aura moins de conséquences immédiates que la mouture initiale d’Édouard Philippe.
La principale mesure est le relèvement de l’âge légal du départ à la retraite, de trois mois par an, pour atteindre 64 ans en 2030, contre 62 actuellement. Cette réforme « concernera tous les actifs », a précisé la Première ministre. En parallèle, l’allongement de la durée de cotisation à 43 ans (contre 42 actuellement) est accéléré, pour atterrir d’ici 2027, au lieu de 2035. Et le dispositif des carrières longues (réservé aux carrières commencées avant 16 ans ou avant 20 ans) est complété par un « niveau intermédiaire » pour ceux qui ont commencé avant 18 ans (départ à 60 ans).
Par ailleurs, deux dispositions devraient élargir l’accès des agriculteurs aux minimas.
Première mesure : un assouplissement des conditions d’accès au minimum de 85 % du Smic instauré par la loi Chassaigne. Les exploitants partis à la retraite à taux plein au titre de l’invalidité ou du handicap y seront désormais éligibles, soit 45 000 retraités supplémentaires « qui bénéficieront d’une revalorisation de l’ordre de 1 000 euros par an », selon Matignon. La revalorisation induite par les lois Chassaigne avait concerné 300 000 retraités, rappellent les services de la Première ministre.
Seconde mesure : le seuil de récupération sur succession de l’Aspa (Allocation de solidarité aux personnes âgées) va être augmenté, pour limiter les non-recours à ce dispositif, annonce Matignon, sans préciser de montant ni de calendrier. Les actifs agricoles sont déjà exclus du calcul depuis un décret de 2011. Dans un rapport remis en mai 2021, les députés Lionel Causse (LREM) et Nicolas Turquois (Modem) recommandaient de faire passer ce seuil de 39 000 euros à 100 000 euros, comme c’est déjà le cas en outre-mer.
Il faudrait ajouter l’une des autres mesures phares de la réforme : les pensions des futurs retraités justifiant d’une « carrière complète » (43 ans à terme) ne pourront pas être inférieures à 85 % du Smic, tous régimes confondus. Mais la mise en œuvre de ce plancher multi-métiers dans le secteur agricole reste encore floue. Qu’apporte-t-il à la loi Chassaigne de 2020, qui prévoyait déjà un tel plancher pour les carrières complètes d’exploitant agricole ? Le projet de réforme va, certes, plus loin en étendant le bénéfice du plancher aux carrières multi-métiers – ce qui est fréquent chez les agriculteurs.
Toutefois, le gouvernement veut conditionner le plancher aux carrières cotisées sur une base minimale équivalente à un Smic. Or, les agriculteurs, conjoints ou aides, cotisent actuellement sur une base forfaitaire, souvent inférieure. À la FNSEA on se demande encore si les exploitants pourront bénéficier du nouveau plancher. On s’inquiète plus franchement pour les conjoints collaborateurs et aides familiaux, qui risquent de rester au minimum professionnel de 750 euros fixé par la seconde loi Chassaigne de 2021.
Quid du financement de la réforme par les agriculteurs ?
Annoncée en 2020 dans le précédent projet de réforme des retraites, la création d’un système à points et la fusion des 42 régimes de retraite, induisant la disparition du régime agricole, n’est finalement pas incluse dans la nouvelle mouture présentée à la presse e 10 janvier. Le précédent projet incluait une simplification du calcul des cotisations retraites, et une hausse importante des taux, pour atteindre les mêmes niveaux que les salariés. Et cette hausse devait être partiellement compensée par une baisse de la CSG via une révision de l’assiette de calcul.
Finalement, une « réforme de l’assiette sociale » des indépendants – dont les agriculteurs – est annoncée pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) de 2024. D’ici là, une « contribution supplémentaire » sera demandée aux employeurs, par l’intermédiaire des cotisations patronales, a annoncé Élisabeth Borne. Et les cotisations ATMP des employeurs seront abaissées d’autant.
Mieux prévenir la pénibilité
Pour compenser l’allongement de la durée du travail, le gouvernement souhaite renforcer la prévention de l’usure au travail. Élisabeth Borne a promis d’élargir le nombre de bénéficiaires du compte professionnel de prévention (C2P, ex-compte pénibilité), et les droits qui y sont liés. Aujourd’hui, ce dispositif permet à un salarié de partir en formation pour accéder à des postes moins ou pas exposés, de bénéficier d’un temps partiel sans perte de salaire ou encore de valider des trimestres de retraite. Les points cumulés via le C2P permettront d’accéder à un quatrième droit, « un congé de reconversion permettant de changer de métier plus facilement ».
Par ailleurs, un « fonds d’investissement » va être doté d’un milliard d’euros « sur le quinquennat » pour financer « des actions de prévention et de reconversion » dédiées aux trois critères suivants : le port de charges lourdes, les postures pénibles et les vibrations mécaniques. Ces trois critères avaient été retirés du compte pénibilité en 2017 face aux protestations de certaines branches, dont l’agriculture. Ils ne sont pas réintégrés, mais le gouvernement doit établir une liste de métiers particulièrement exposés et soutiendra des mesures dans les branches concernées. Il n’est pas précisé si l’agriculture en fera partie.
Pour rappel, le dispositif C2P concerne uniquement les salariés. Les agriculteurs eux-mêmes (non-salariés agricoles) n’en sont pas bénéficiaires, mais le relèvement de l’âge légal pose également de manière accrue la problématique de leur fin de carrière, pointe la FNSEA. Le syndicat aimerait ouvrir un chantier sur les retraites progressives. •