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« Parce que l’élevage est en danger »

Avec les associations spécialisées d’éleveurs de ruminants (Fédération nationale bovine, Fédération nationale ovine, Fédération nationale des éleveurs caprins), la Fédération nationale des producteurs de lait a publié récemment un manifeste en faveur de l’élevage. Daniel Courval, président de la section viande bovine de la FRSEA Normandie, explique les raisons de sa publication.

Daniel Courval, président de la section viande bovine de la FRSEA Normandie.
© FRSEA

Vous avez publié un manifeste pour la défense de l’élevage. Quel est le but ? 

Le but de notre manifeste est d’alerter les élus et l’opinion publique. Nous proposons aux élus d’en prendre connaissance et d’exprimer leur soutien en y apposant leur signature. Car l’élevage français va mal, notre activité est en danger. Pourtant, nos produits connaissent des prix élevés depuis plusieurs mois. Ils se rapprochent de nos coûts de production. Il était plus que temps que notre travail soit enfin reconnu mais malgré cela, nous perdons des volumes de production et des producteurs. C’est le signe que l’aspect économique ne règle pas le problème en quelques mois. Pour être attractif, un métier doit procurer un épanouissement, des conditions de vie et de travail sur plusieurs années. 

Et pourquoi maintenant ?

Nous le publions maintenant parce qu’après y avoir travaillé pendant quelques semaines, le document est prêt et validé par nos partenaires des autres filières de ruminants. Et puis parce que malgré la sympathie que l’élevage suscite dans l’opinion publique, il n’y a qu’à voir l’engouement pour le hall 1 du Salon de l’agriculture, l’élevage est attaqué. Il est attaqué par ceux qui s’opposent à la notion même d’élevage au nom de l’antispécisme, par ceux qui prétextent la protection de l’environnement, par ceux qui font de l’élevage une des causes du réchauffement climatique, y compris des institutions inattendues comme la Cour des comptes et malgré la baisse continue de 25 % du cheptel bovin depuis 40 ans. Et même si ces positions sont infondées techniquement et scientifiquement, elles circulent, elles sont relayées abondamment et les élus en tiennent compte dans leurs décisions. D’autre part, les projets de construction, de modernisation ou d’extension d’élevage suscitent trop souvent des oppositions locales. Les exemples sont légion. [...]. Les gens veulent bien des éleveurs mais pas de leurs élevages.

L’élevage a aussi des conséquences négatives qu’on ne peut pas nier.

Il n’est pas question de nier quoi que ce soit, il s’agit de lister les bénéfices et les risques. Parce que l’on ne parle jamais des apports de l’élevage. On veut des prairies mais qu’en fera-ton sans élevage de ruminants qui sont les seuls à pouvoir valoriser l’herbe ? Nous avons de vastes étendues de prairies permanentes, non labourables, qui va les entretenir sans ruminants ? On veut garder des prairies pour stocker du carbone dans le sol, mais on ne fera pas de nos champs d’immenses pelouses sur lesquels on passera la tondeuse, il faut des animaux. On veut des engrais naturels mais on les produit comment sans la digestion des animaux ? Quant au bocage, on voit ce qu’il devient là où l’élevage disparaît. Ce sont tous ces apports que la société doit prendre en compte, pas seulement quelques désagréments ou quelques réglementations mal appliquées.

Vous ne parlez pas du bien-être animal ?

Non parce que nous n’avons pas à rougir sur le bien-être animal. Quand j’entends qu’un abattoir clandestin abritait 40 moutons dans 12 m2, je n’entends pas les animalistes s’offusquer ni porter plainte. Et quand je vois certaines affiches dans le métro plaignant les conditions de transport des animaux, je pense que ceux qui regardent ces affiches devraient s’interroger sur la manière dont ils sont eux-mêmes transportés.

Et puis il y a l’Europe qui légifère beaucoup sur ces sujets.

Oui, l’UE a adopté son “Pacte vert” et ce qui semblait un peu abstrait devient de plus en plus concret. Actuellement, deux textes sur la restauration de la biodiversité et sur les IED (voir ci-dessus), auxquelles sont assimilées les émissions agricoles, ont été débattus au Parlement et feront l’objet d’une négociation Commission-Parlement-Conseil des ministres. Ils auront des conséquences agricoles importantes. Je pense notamment à la directive sur les émissions industrielles qui veut soumettre au régime d’autorisation des installations classées les élevages de plus de 200 UGB. Cela va alourdir les procédures, renchérir les coûts et décourager les éleveurs. On veut de l’élevage mais on fait tout ce qu’il faut pour décourager les éleveurs. Un élevage sans éleveur, est-ce que veut la société ? En tout cas, ce n’est pas notre projet. • 
 
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