Orages : des dégâts importants dans certaines exploitations
La Seine-Maritime a connu dans la nuit du 30 au 31 juillet de violents orages, causant d’importants dégâts, en premier lieu dans les champs non encore moissonnés. L’heure est désormais au premier bilan et à la remobilisation dans les exploitations. Témoignages.
La Seine-Maritime a connu dans la nuit du 30 au 31 juillet de violents orages, causant d’importants dégâts, en premier lieu dans les champs non encore moissonnés. L’heure est désormais au premier bilan et à la remobilisation dans les exploitations. Témoignages.










Nul doute que les aléas climatiques se multiplient. La Seine-Maritime, souvent plus épargnée que d’autres territoires, n’est cependant jamais à l’abri de ces phénomènes météo qui en quelques heures ravagent des mois de travail.
Polyculture-éleveur laitier, Fabien Fréret, 33 ans, est de ceux touchés par l’orage qui a sévi dans la nuit du 30 au 31 juillet. Installé en Gaec avec ses parents à Brémontier-Merval, il témoigne : « Vers minuit et demi, ça s’est mis à souffler beaucoup puis il a plu d’une façon intensive. On a pris 52 mm d’eau à certains endroits ». « On venait à peine de rentrer les blés ; ce sont les maïs qui ont pris », ajoute-t-il. Son exploitation compte « un peu plus de 210 ha – 100 ha de prairies, une cinquantaine d’hectares de maïs, 60 ha de cultures de vente (blé, orge, colza). » Les parcelles sont dispersées. « Une trentaine d’hectares sont situés autour de la ferme, le reste est dispatché à 8 km. » Le constat est quelque peu amer : « Sur les 55 ha de maïs, 50 ha ont versé. Je n’ai plus qu’une parcelle de 5 ha debout. » Le vent a fait son œuvre, différemment selon les parcelles. « À certains endroits nous avions de beaux maïs, de 3 à 4 mètres de haut. Nous avions aussi pris soin de semer différentes variétés. La variété la plus sensible, sur 2 ha, s’est complètement cassée ».
Premières estimations
« Aujourd’hui, cinq jours après, nous sommes un peu plus confiants ; ça se redresse gentiment. Certaines variétés reprennent la floraison. À voir dans les jours qui viennent… Au niveau des estimations, je pense que dans les parcelles les plus touchées, 30 % des maïs vont rester par terre. Dans les moins touchées, 10 % vont rester au sol. » « En fait, je note que ça dépend beaucoup du sens du vent. Il venait de plein sud, les parcelles semées perpendiculaires au vent ont beaucoup plus souffert et le stade des maïs a aussi joué. Les plus fleuris, les plus avancés, sont ceux qui une fois versés se sont le mieux redressés, et cela quasiment le jour même. Ce qui n’est pas le cas des variétés qui commençaient tout juste à fleurir. Les derniers semis que j’ai faits au 10 juin sur 20 ha ont versé au pied mais se sont redressés au quart ». « Ce que je crains désormais c’est le développement de charbon sur les maïs qui se redressent ».
« Impossible de faire assurer mes cultures fourragères »
« Nous sommes couverts pour les bâtiments d’élevage mais n’avons aucune assurance sur les récoltes, reconnaît l’éleveur. Historiquement, la ferme n’a jamais été touchée par la grêle, ni même les parcelles que nous avons à 8 km ; les couloirs de grêle sont toujours passés à côté. Lorsque j’ai rejoint la ferme en 2013, nous nous sommes toutefois posé la question de l’assurance, mais devant cet historique, on a pris la décision de ne pas prendre d’assurance. On a une trésorerie saine, c’est notre assurance risque. En revanche, l’année dernière je m’étais tout de même interrogé car nous avions des prairies très sèches et je voulais augmenter la surface de maïs. Mais les assureurs ne voulaient couvrir que nos cultures de vente et pas ces surfaces fourragères qui nous permettent de nourrir notre troupeau de prim’holsteins. Donc nous avions décidé de continuer sans assurance sur les récoltes. »
Malgré ce dernier aléa climatique, Fabien Fréret reste dubitatif quant à la nécessité de s’assurer. « D’autant que nous avons eu quelques déconvenues avec l’assurance des bâtiments d’élevage », ajoute-t-il. Car cet épisode orageux a aussi endommagé l’une des toitures abritant le cheptel qui s’est en partie envolé. « Là je n’ai pas fait jouer l’assurance car c’est mon troisième dégât sur bâtiment en moins d’un an. J’ai eu un premier sinistre orage en septembre 2023 qui a endommagé un onduleur, un dégât tempête Ciarán avec toiture en novembre 2023 et là le troisième. L’assureur m’a conseillé de ne pas le déclarer car je risquais la résiliation. Je me suis donc abstenu ». « Sur le coup, Il est difficile de choisir le sinistre à déclarer...», conclut avec philosophie Fabien Fréret.
Un lin « exceptionnel» avant destruction
Dans l’ouest du département, à Yerville, Julien Roussignol a connu une nuit tout aussi désastreuse. Polyculteur-éleveur ovins et bovins allaitants, il est à la tête de la Ferme de Pimont sur une SAU de 198 ha (dont 80 ha de blé, 40 de lin, 35 de colza, 30 de betteraves sucrières et 10 de maïs ensilage). « Il s’est mis à pleuvoir fortement sur les coups de 3 heures du matin. Puis de gros grêlons de 2,5 à 3 cm de diamètre ont fait leur apparition. En 15 minutes seulement ils ont ravagé plusieurs hectares de cultures. » Résultats ? « Les lins qui attendaient d’être arrachés depuis 10 jours ont versé puis grêlé ». « Ça fait mal, ils étaient exceptionnels cette année. »
Bien évidemment les parcelles sont plus ou moins touchées mais c’est tout le travail effectué depuis de longs mois qui s’en trouve réduit comme peau de chagrin.
Des cultures abîmées mais pas assez pour être indemnisées
Prudent, et dans la continuité de ce que faisait son père, Julien Roussignol a toujours assuré ses lins, blés et colzas.
L’expert est aujourd’hui passé ; l’assurance multirisque climatique sur récoltes* (MRC) souscrite ne pourra pas tout couvrir. « Sur une parcelle de lin de 13 ha, 11 % ont grêlé et 20 % ont versé. Dans une autre parcelle, même constat, 20 % ont versé. Et je ne compte pas les tiges qui sont cassées et conduiront à un lin déclassé.»
Le blé a tout autant souffert. « Sur une parcelle de 21 ha, j’ai eu 10 % de blé par terre donc ça fait 10 quintaux de moins, mais là l’assurance va fonctionner. Sur une autre parcelle de 22 ha, j’ai 5 % de pertes. L’assurance ici ne fonctionnera pas (5 % de franchise) ».
Parmi les autres déconvenues découvertes au petit matin : les betteraves. Celles-ci sont également à la peine, « les feuilles sont broyées et vont difficilement pousser dans les trois semaines à venir. Les rendements seront donc inférieurs et je vais devoir faire un autre fongicide qui sera autant de charge pour moins de culture. »
Le maïs ensilage qui sert à nourrir moutons et taurillons n’est pas en reste. « Les feuilles sont très abîmées, il ne va plus pousser. Par chance, j’ai un stock très important de l’année dernière. Toutefois, je devais revendre 100 tonnes de ce stock, c’est désormais chose impossible. J’ai annulé la vente pour privilégier mon cheptel mais pour la trésorerie de l’exploitation, c’est encore une rentrée de moins. »
L’orage n’a pas épargné non plus ses bâtiments d’élevage, l’eau s’étant engouffrée à l’intérieur. « J’avais des agneaux d’une semaine qui se sont retrouvés les pattes dans l’eau. Il a fallu passer quelques heures à nettoyer leur enclos ». •
* Pour en savoir plus sur la l’assurance multirisque climatique sur récoltes (MRC) et les régimes d’indemnisation, voir l’article https://www.union-agricole.fr/aleas-climatiques-que-faire sur les aléas climatiques