Néonicotinoïdes : pas de troisième dérogation pour la filière betteravière française
Une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), publiée le 19 janvier, remet en cause la dérogation qui s’apprêtait à être accordée en France aux semences de betteraves traitées aux néonicotinoïdes. Le ministre de l’Agriculture, qui a rencontré ce 23 janvier les représentants de la filière betteravière, promet d’ores et déjà de couvrir « intégralement » les pertes. Les planteurs sont sonnés et la colère gronde en plaine.
Une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), publiée le 19 janvier, remet en cause la dérogation qui s’apprêtait à être accordée en France aux semences de betteraves traitées aux néonicotinoïdes. Le ministre de l’Agriculture, qui a rencontré ce 23 janvier les représentants de la filière betteravière, promet d’ores et déjà de couvrir « intégralement » les pertes. Les planteurs sont sonnés et la colère gronde en plaine.
S’exprimant devant la presse à l’issue de la réunion avec la filière betteravière, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau a annoncé qu’il n’y aura pas de troisième demande de dérogation, de façon à éviter les incertitudes des débats juridiques. « Il fallait donc prendre des décisions en toute lucidité », a-t-il affirmé, « car les semis doivent se faire d’ici quatre à six semaines ».
Cette annonce est un coup dur car la filière avait une stratégie de trois ans pour sortir des néonicotinoïdes en 2024, avec un plan qui permettait de réduire de 30 % les surfaces couvertes par des produits enrobées en néonicotinoïdes dès la prochaine campagne. Surtout, cette décision vient déstabiliser toute la stratégie de transition entamée par la filière depuis 2020, alors qu’elle s’apprêtait aujourd’hui à demander une troisième et dernière dérogation.
Le ministre a fait part aux planteurs et aux industriels de « la volonté de l’État de maintenir la souveraineté, le potentiel et la puissance en termes de production de sucre et d’éthanol. »
Clauses de sauvegarde
Cependant, « il manque une année de travail de recherche », a souligné Marc Fesneau, en faisant référence au Plan national de recherche et d’innovation (PNRI), doté d’un budget de 20 millions d’euros et mis en place par son prédécesseur. Les premiers résultats étaient prometteurs. Les recherches sur la sélection de semences ou les plantes compagnes se poursuivront mais en attendant, toute la filière s’inquiète.
Pour tenter d’apaiser les tensions qui sont légitimes, le ministre s’est engagé à « activer au niveau européen les clauses de sauvegarde pour empêcher les distorsions de concurrence, éviter que cette décision n’aboutisse à l’importation de sucre et d’éthanol en provenance de pays qui ne respectent pas nos normes, ce qui constituerait une concurrence déloyale avec les producteurs, non seulement français mais européens. »
En plaine, 2020 est toujours dans les têtes
Du côté des producteurs, « on se retrouve au pied du mur », s’est émue la Confédération générale des planteurs de betteraves (CGB) dans un communiqué. Ils ont toujours en tête la catastrophe de 2020 qui, en raison de la jaunisse, avait causé une perte moyenne de rendement de 30 % au plan national, avec des pointes à 70 % de pertes dans certaines régions.
Des compensations financières à la clé
Interpellé à l’Assemblée nationale par trois députés de départements betteraviers le 24 janvier lors des questions au gouvernement, Marc Fesneau a détaillé les mesures envisagées par le gouvernement pour faire face à la jaunisse. « La responsabilité, c’est de détailler ce que nous allons faire […] pour donner de la visibilité à la filière ».
À court terme, pour 2023, la décision de la Cour de justice de l’Union européenne impose « de garantir aux planteurs qu’ils puissent être couverts intégralement des pertes du fait de l’apparition de la jaunisse », a souligné le ministre, en écho aux revendications de la CGB. Il s’est lui-même ému des « grands risques que cette décision fait porter sur les outils industriels s’ils n’ont pas la matière première à transformer ». Marc Fesneau prévoit également de travailler avec les autres acteurs de la filière, afin que « les outils industriels soient préservés ». « Il nous faut accélérer la recherche et l’innovation », a-t-il également répété.
Plus largement, pour le ministre, « tous les sujets phytosanitaires doivent être posés au niveau européen ». « C’est le combat que nous menons, à la fois pour être sur une tendance de réduction des produits phytosanitaires, mais aussi pour que cet effort soit fait à l’échelle européenne ».
Des distorsions de concurrence sont à craindre
S’estimant en « plein désarroi », les producteurs conservent toutefois une petite lueur d’espoir avec le dispositif ministériel d’indemnisation des pertes. « C’est une nécessité absolue pour rassurer les planteurs, [mais] à condition que ces pertes soient totalement prises en charge et de n’avoir ni franchise, ni plafonnement des aides », estime la CGB, « abasourdie par autant d’inconséquence » de la part de la CJUE qui ouvre ainsi la porte au sucre des pays tiers qui utilisent toujours des produits phytosanitaires interdits depuis des années en France et en Europe. •