La drêche de brasserie, un coproduit aux multiples vertus
Longtemps restée un poids pour les brasseurs, la drêche, coproduit issu du premier brassage de la bière, est désormais l'apanage de nombreuses entreprises qui valorisent ses bienfaits, en alimentation humaine comme animale.
Longtemps restée un poids pour les brasseurs, la drêche, coproduit issu du premier brassage de la bière, est désormais l'apanage de nombreuses entreprises qui valorisent ses bienfaits, en alimentation humaine comme animale.
"La drêche est un produit riche en protéines, qui permet notamment de diversifier les apports en alimentation animale ", assure Maryline Jullien, conseillère en élevage laitier chez Margaron, collecteur et distributeur de coproduits pour l'alimentation animale.
Tout est bon dans la bière
Après brassage de l'orge maltée, c'est un moût liquide et sucré qui sera ensuite fermenté pour créer la bière. Ainsi, à l'issue du premier brassage, les drêches enveloppant les grains d'orge contiennent des restes d'amidon et des protéines non extraites lors du processus. Le produit final est donc très humide, de couleur jaune à brune selon la bière brassée à l'origine, et porte avec lui une odeur de pain frais, particulièrement appétent pour les animaux. " En ce qui concerne les bovins, notamment en production laitière, la drêche est un produit très appétent et même lactogène, qui permet donc de favoriser la production. " Un coproduit qui a de quoi plaire, et qui séduit de plus en plus au cours des dernières années, notamment avec l'augmentation du coût des protéines végétales. " Cela permet aussi de faire des économies sur le soja ou le colza, puisque la drêche est de moitié moins chère ", précise Maryline Jullien. Cette dernière conseille par ailleurs aux éleveurs d'utiliser la drêche en complément, doublée par un apport en colza ou en soja, pour un bon rendement. Si la drêche de brasserie a la cote auprès de certains éleveurs, elle représente tout de même un grand frein quant à son stockage. Fabrice Giraudet, éleveur de vaches laitières à Saint-Martin-le-Châtel (Ain), utilise des drêches depuis quelques mois, afin de compenser un manque d'orge cette année. Un produit qu'il affectionne pour ses bêtes, mais difficile à conditionner. " C'est un produit très humide, que je stocke pour un mois et demi. Je le couvre dans un silo classique mais si elle est trop humide, elle reste difficilement stable... il ne faut pas la stocker trop longtemps pour éviter qu'elle perde de sa valeur ", explique l'éleveur. Mais malgré cette difficulté de stockage, le coproduit, longtemps considéré comme un sous-produit, est désormais au cœur d'une économie circulaire et de nombreux développements de son utilisation.
La drêche en alimentation humaine
La drêche de brasserie a plusieurs cordes à son arc, puisqu'elle est aussi de plus en plus prisée par des entreprises qui ont à cœur de la valoriser en alimentation humaine. C'est le cas de Maltivor, créée par Lola Bonin en 2018. Sa présidente, Laetitia Gutton, fait partie de l'aventure depuis un an. " La créatrice souhaitait valoriser cette ressource alimentaire qui se retrouvait, en général, à la poubelle. Dans une idée d'économie circulaire, elle voulait que ce coproduit, issu de la bière, destinée à l'homme, puisse se réintégrer dans l'alimentation humaine ", explique la présidente. Rejointe par une ingénieure agronome, Gabrielle, elles travaillent ensemble sur la stabilisation de cette matière afin qu'elle soit goûteuse et intéressante d'un point de vue nutritionnel : jusqu'à créer de la farine de drêches. " Nous avons aujourd'hui une unité de production au sud de Lyon. Nous collectons les drêches auprès de brasseurs dans un rayon de 50 km, puis les traitons le plus rapidement possible ", explique-t-elle. Une fois la matière récupérée, elle contient 80 % d'eau. Maltivor a donc mis en place un procédé de traitement afin de retirer l'eau contenue (à l'aide de séchoirs prévus à cet effet), puis sécher les drêches avant de les broyer pour les réduire en farine. " Nous passons de 80 % d'humidité lorsque nous la récupérons en sortie de cuve, à 10 % après séchage ". À l'issue de ce procédé, les grains éclatés deviennent une farine fine, déclinable par couleur et par saveur, autant qu'il existe de couleurs de bières et de malts différents. " Pour faire simple, il existe trois catégories : la blonde, l'ambrée et la brune. Nous avons ainsi créé des gammes sur la diversité des goûts et des couleurs qu'offre la matière première ". Et au-delà de ses jolies couleurs et de sa bonne odeur, la drêche est aussi reconnue pour ses propriétés nutritionnelles : riche en fibres et en protéines, en minéraux, en antioxydants... " Ce sont tous les nutriments de l'orge ou de la céréale de départ qui se retrouvent concentrés. Les glucides sont plus bas, puisque l'amidon est hydrolysé pour servir de base de fermentation pour la bière. Nous avons donc un produit qui est même plus intéressant nutritionnellement que la céréale de départ ", explique Laetitia Gutton. Comparée au blé, la drêche compte 10 à 12 fois plus de fibres et deux à trois fois plus de protéines. Maltivor est aujourd'hui en partenariat avec une dizaine de brasseurs de la région lyonnaise : l'entreprise souhaite s'agrandir et multiplier ses partenariats pour suivre la demande en farine de drèche, utilisée par les particuliers autant que par certains professionnels, industriels ou artisans.•
" Cela nous permet de valoriser 90 % de nos déchets "
Pour David Hubert, directeur industriel de la brasserie-distillerie artisanale Ninkasi (Rhône), la valorisation de la drêche de brasserie est une aubaine pour les brasseurs. Ninkasi revend des drêches aux agriculteurs de la région lyonnaise. Ces résidus de malt ont encombré pendant longtemps les brasseurs, jusqu'à ce que leur blason soit redoré. Depuis une année, c'est le collecteur Margaron qui récupère les drêches pour les livrer ensuite.
1 500 tonnes par an
" C'est un déchet que nous sommes obligé de traiter. Si nous n'avions pas choisi la filière animale, nous aurions dû passer par des entreprises qui gèrent les déchets verts, les biodéchets, ce qui est un coût très important, explique David Hubert. Et puisque Ninkasi produit de gros volumes de bière, et donc de drêches, il était plus aisé d'opter pour une filière gourmande en besoins. Cela nous permet aussi de valoriser un peu nos drêches, à 30 euros la tonne environ. " À condition que la drêche n'excède pas les 80 % d'humidité, au risque d'être déclassée ou invendable.