Génétique bovine : sélectionner les animaux les plus résilients
Dans un même troupeau, certains animaux résistent mieux aux maladies, ou semblent mieux supporter la chaleur… Y a-t-il un lien avec la génétique ? Ce sont des axes de recherche de l'équipe génétique bovine de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae).
Dans un même troupeau, certains animaux résistent mieux aux maladies, ou semblent mieux supporter la chaleur… Y a-t-il un lien avec la génétique ? Ce sont des axes de recherche de l'équipe génétique bovine de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae).
OrigenPlus a organisé en décembre dernier une série de réunions d'information destinées à ses adhérents. Ces rendez-vous ont été très fréquentés, montrant l'intérêt des éleveurs laitiers pour des sujets leur proposant des perspectives d'évolution. Une des réunions qui a eu lieu à Buchy le 14 décembre concernait un thème d'actualité : quels leviers génétiques existent-ils pour avoir un troupeau adapté aux nouvelles conditions climatiques, aux attentes sociétales notamment en matière d'impact environnemental, aux pathogènes émergents, aux aléas de la vie qui influencent le comportement des animaux ?
Quels caractères contrôlés par la génétique ?
Pauline Martin est chercheuse en génétique bovine de l'Inrae de Jouy-en-Josas ( Yvelines), au pôle du déterminisme des caractères. Elle a présenté quelques grands thèmes de recherche actuels pour avoir des animaux en meilleure santé, ayant une meilleure efficience alimentaire, résistant mieux à la chaleur, dégageant moins de méthane. " Mon travail est de déterminer, à l'échelle de l'animal, comment tel caractère est contrôlé, ou pas, par la génétique et comment on peut mettre en place, ou pas, une sélection sur ces caractères ".
L'objectif est le développement d'outils et de nouvelles méthodes pour les professionnels : " à un moment nous transférons les résultats de nos recherches aux autres maillons de la filière. Notre objectif est donc de fournir les éléments pour choisir, génétiquement parlant, les meilleurs animaux, adaptés aux conditions de demain : au changement climatique avec une meilleure tolérance à la chaleur, au comportement face aux nouveaux pathogènes qui remontent des zones plus chaudes, aux attentes sociétales au regard du bien-être animal mais également au regard de la réduction de l'impact environnemental de l'élevage ".
" Dans les élevages, tous les animaux ne se comportent pas de la même façon face aux aléas qu'ils rencontrent : une restriction alimentaire due à une sécheresse estivale, un pathogène dans l'élevage... Nous étudions donc la résilience des animaux sans jamais oublier la durabilité économique des élevages ".
Un déterminisme génétique pour la santé des veaux ?
La chercheuse a fait quelques focus sur les travaux de recherche en cours et notamment sur les travaux menés pour aller vers des animaux en meilleure santé.
" Les caractères de santé ont souvent des héritabilités faibles. Moins de 10 % des performances des animaux sont liées à leur génétique. Mais cela ne veut pas dire que l'on ne peut pas faire de sélection sur ces caractères. Ce qui est très intéressant est le coefficient de variation génétique. Quand ce dernier est élevé, cela signifie qu'il y a une variation possible de la moyenne importante ".
À titre d'exemple, les caractères laitiers ont des héritabilités élevées (entre 30 et 50 % des différences observées entre individus d'une race donnée sont d'origine génétique). Mais leurs coefficients de variabilité génétique ne sont pas si élevés. C'est-à-dire que les individus varient peu autour de la moyenne des caractères, lorsque la variation est exprimée en pourcentage de cette moyenne. Ainsi, pour les caractères laitiers, on peut, par sélection, faire varier assez vite la moyenne mais le gain obtenu n'est pas si énorme au regard de la moyenne. En comparaison, la fertilité a une héritabilité très faible mais un coefficient de variabilité génétique deux à trois fois plus important : on peut donc quand même avoir des gains intéressants avec une sélection génétique car les animaux sont génétiquement plus distants les uns des autres.
Recherche du profil immunitaire des veaux
Même si la santé n'est pas très héritable, il y a quand beaucoup de projets dessus aujourd'hui, notamment sur la réponse immunitaire des veaux. Ici, il est question de savoir si les différences d'immunité entre les veaux s'expliquent par la génétique.
Une fois la mortinatalité passée (celles des premières 48 heures de vie y compris les veaux qui meurent durant le vêlage), 10 à 20 % des veaux n'atteignent pas l'âge de 6 mois (chiffres Institut de l'élevage), principalement à cause d'infections intestinales et respiratoires.
" Entre 7 et 21 jours, période où les anticorps maternels absorbés via le colostrum diminuent, nous regardons la variabilité des veaux sur leur capacité immunitaire innée, c'est-à-dire sur la capacité de leur organisme à reconnaître des signatures moléculaires de présence de pathogènes. Quand l'animal détecte ces signatures, il produit des cytokines pro-inflammatoires qui jouent un rôle dans la défense contre l'infection microbienne ".
Beaucoup de projets sur la santé
Entre 2017 et 2020, le projet de recherche Healthy-Calf visait à diminuer les taux de mortalité et de morbidité dus aux affections respiratoires et digestives, grâce au génotypage. Le but était de voir, sur la base de leur profil cytokinique, s'il existe un lien entre les profils immunitaires des veaux et leur capacité à résister aux pathogènes.
" Les résultats montrent qu'il existe de la variabilité entre les animaux et que ceux qui réagissent fort aux bactéries réagissent également fort aux virus. Pour savoir si c'est un déterminisme génétique, nous avons regardé l'héritabilité et nous avons également cherché les régions du génome qui contrôlent le fait d'être fort ou faible répondeur. Il y a 40 régions du génome associées à au moins une cytokine pro-inflammatoire. Les gènes dans ces régions sont associés à l'immunité innée. Cela confirme donc qu'il y a bien un déterminisme génétique de la concentration de cytokines et donc de l'immunité innée ".
Les données de ce projet proviennent de l'élevage expérimental Inrae du Pin et ont été complétées par des élevages commerciaux spécifiquement choisis car ils avaient des problèmes de diarrhées (50 % dans les élevages commerciaux et 15 % dans l'élevage du Pin). " Au Pin, si 15 % des veaux étaient en diarrhée, plus de 15 % des veaux portaient un pathogène. Même chose dans les élevages commerciaux. Cela signifie qu'il existe des veaux qui rencontrent les pathogènes mais ne déclenchent pas de maladie. Par ailleurs, les veaux en diarrhée présentaient des concentrations plus élevées de certaines cytokines. Il existe donc un lien entre les signatures cytokiniques et les paramètres sanitaires ".
" Nous sommes encore sur des résultats préliminaires concernant la capacité immunitaire des veaux. Donc encore très en amont de toute application terrain, mais nous avons un phénotype en lien avec les pathogènes diarrhéiques et qui a un déterminisme génétique. Il y a encore beaucoup de travail pour affiner les liens entre cytokines et pathogènes et s'il y a une persistance tout au long de la vie de l'animal. Pour continuer à travailler sur ce sujet, et voir si tout cela est un bon indicateur de santé globale, une nouvelle expérimentation débute sur l'unité expérimentale du Pin pour suivre les animaux tout au long de leur vie ".•