Crise porcine : "Une aide bienvenue mais qui ne suffira pas"
Face à une crise qui met les éleveurs dans de graves difficultés, le gouvernement a engagé un plan d'urgence pour aider la filière en débloquant une enveloppe globale de 270 millions d'euros. Réaction de Xavier Van Den Bossche, président de la section porcine de la FNSEA 76 et administrateur de la Fédération nationale porcine.

Quels sont les origines de cette crise ?
« Plusieurs facteurs expliquent la crise à laquelle nous sommes aujourd'hui confrontés. Le Covid a créé un début de désorganisation des marchés. Notamment en Allemagne, 2e pays producteur en Europe, qui a fermé ses abattoirs pendant plusieurs semaines. Depuis, ils n'ont pas repris leur rythme de croisière. En France, quelques-uns ont aussi été fermés, mais rien de comparable. Puis nous avons profité pendant deux ans d'un appel d'air de la Chine qui a eu besoin d'importer un nombre important de porcs. Toutefois, assez rapidement, et sans que nous l'ayons anticipé, ce pays a réduit drastiquement ses importations. Cette production s'est alors retrouvée sur le marché européen, venant s'ajouter à celle de l'Allemagne et de l'Italie qui, frappés par la peste porcine africaine, se sont retrouvés interdits d'exporter. À cette surproduction est venue s'ajouter, en juillet dernier, la reprise mondiale de l'économie. Elle a été rapide et forte, entraînant des hausses de matières premières dans bien des secteurs. Or nous, éleveurs, sommes dans l'incapacité de répercuter ces hausses dans le prix de revient du porc. Nous avons un aliment qui est passé en quelques mois de 230 euros la tonne à 340 euros la tonne. On prend presque 40 à 50 % de hausse sur nos prix alimentaires. Or l'aliment représente 65 à 70 % du prix de revient. Donc nous n'avons plus de marges pour couvrir autre chose que le coût alimentaire, à savoir l'énergie, le bâtiment, le personnel, l'électricité, le gazoil, etc. C'est du jamais vu et ce n'est pas soutenable pour nos entreprises. »
Le plan proposé par le gouvernement de 270 millions d'euros vous convient-il ?
« À la FNP, nous estimions la perte sur la Ferme France à 430-440 millions d'euros. Jamais nous n'avons vu une perte aussi violente sur un temps si court. Ce plan est donc loin de la couvrir. Mais il faut reconnaître que nous n'avons jamais vu un engagement gouvernemental aussi élevé et si rapide (voir L'Union agricole du 3 février). Nous avons obtenu une aide d'urgence de 75 millions d'euros qui sera versée ce mois-ci sous forme forfaitaire de 15 000 EUR pour les situations les plus fragiles. Elle est accessible à 5 000 éleveurs (voir contact ci-dessous pour en bénéficier et encadré sur la MSA). La seconde enveloppe, de 175 millions d'euros, soumise à l'approbation de la Commisssion européenne, sera répartie dans un deuxième temps selon les difficultés. Les critères sont encore à définir. Puis il y a aussi des plans garantis par l'État (PGE) dont il faut que les éleveurs se saisissent car nos élevages ont besoin de trésorerie. »
La crise a-t-elle provoqué de gros dégâts dans le département ?
« À la FNSEA 76 et avec l'aide du Crédit agricole, nous sommes en train de regarder la situation des uns et des autres. Nous sommes peut être un petit moins dans l'urgence absolue en Seine-Martime comme dans l'Eure car nous avons souvent sur nos exploitations un lien au sol, donc nous compensons nos pertes par des productions végétales. En revanche, au bout d'un moment certains éleveurs risquent fort de faire un choix en abandonnant l'élevage porcin au profit des cultures seules. C'est pourquoi il faut continuer à encourager même ceux qui ne sont pas dans l'urgence ».
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Le dispositif d'aide d'urgence est ouvert sur le site de la préfecture de Seine-Maritime
Pour y accéder : https://www.seine-maritime.gouv.fr/Politiques-publiques/Agriculture-For…
Crise porcine : la MSA a elle aussi ouvert ses guichets
« Les exploitants et employeurs touchés par la crise de la filière porcine et qui ne seraient pas en mesure d'acquitter leurs charges sociales, peuvent, sans attendre, demander à bénéficier du report de leurs prochaines échéances de paiement de leurs cotisations et contributions sociales », indique la MSA. Elle précise en outre que l'enveloppe de 20 millions d'euros débloquée par l'État et destinée à prendre en charge les cotisations sociales des exploitants et employeurs de la filière porcine « obéira aux règles et procédures classiques des prises en charge de cotisations ». Cependant « le report des cotisations ne préjuge pas du bénéfice de la prise en charge des cotisations sociales. Cette dernière peut ne pas couvrir la totalité des échéances dont le report aura été demandé », précise la MSA. Plus d'nformation sur le site : www.msa.fr