Changement climatique : quelle culture du lin à l'avenir ?
Le sujet du changement climatique et ses conséquences en agriculture sont dans tous les esprits. Arvalis - Institut du végétal y consacrait une partie de sa journée technique dédiée au lin fibre le 23 janvier, à Amiens (Somme). L'impact sur cette culture délicate à cycle court se fait déjà sentir, mais les perspectives restent positives.
Le sujet du changement climatique et ses conséquences en agriculture sont dans tous les esprits. Arvalis - Institut du végétal y consacrait une partie de sa journée technique dédiée au lin fibre le 23 janvier, à Amiens (Somme). L'impact sur cette culture délicate à cycle court se fait déjà sentir, mais les perspectives restent positives.
Jusqu'à 5 °C de plus en moyenne dans le monde en 2050 selon le scénario le plus pessimiste du Giec : il y a de quoi s'inquiéter des conséquences sur les cultures, et notamment sur celle du lin, très sensible aux aléas climatiques. Lors de sa Journée de l'innovation lin fibre, le 23 janvier, à Amiens, Arvalis - Institut du végétal y consacrait plusieurs interventions sur le sujet. « L'impact du changement climatique sur l'agriculture est complexe et variable en fonction des zones de production. Il y aura des effets négatifs, mais aussi quelques effets positifs, comme l'augmentation de la teneur en CO2, dans une certaine mesure, puisque les plantes en absorbent pour effectuer leur photosynthèse », présente Jean-Pierre Cohan, chef du service adaptation des cultures aux agro-climats, génétique et phénotypage chez Arvalis.
Vers quelles conditions se dirige-t-on dans la région productrice de lin, qui s'étend du Calvados au Nord des Hauts-de-France ?
Selon les modèles, en 2050, la Picardie connaîtrait une moyenne de 1,5 à 2 °C plus élevée que les normales saisonnières actuelles. « Elle fera partie des régions les moins impactées du globe, et même de France. Alors que certaines régions comme le Sud-Ouest envisagent des modèles de rupture, nous pouvons encore prévoir des modèles d'adaptation pour la culture du lin », rassure Jean-Pierre Cohan.
Il n'empêche que l'adaptation signifie des changements. La pluviométrie est l'un des facteurs les plus perturbants. « Les cumuls de pluie devraient rester les mêmes dans les prochaines années, mais il se profile des printemps et des étés de plus en plus secs, alors que le lin a besoin d'eau à des moments clés, pour pousser et rouir, et des automnes et hivers de plus en plus humides, qui auront une incidence sur les conditions de récolte des autres cultures, et donc sur la qualité des sols. » Le tout doublé d'aléas climatiques de plus en plus extrêmes, imprévisibles.
Pour le lin, trois problèmes principaux sont relevés : la sécheresse à la levée, une (trop) forte croissance selon l'année et le risque d'orages provoquant la verse, et le stress hydrique, qui s'accompagne parfois d'un stress thermique. « Des conséquences en découlent : la précocification des cycles, la valorisation parfois difficile de l'engrais… Nous manquons de connaissances sur certains points, comme la modification des cycles des bioagresseurs. »
Une adaptation multi-leviers
Pour les scientifiques, l'adaptation sera " nécessairement multi-leviers ". Itinéraires techniques, systèmes de culture globaux, progrès génétiques, gestion de la ressource en eau… Chaque critère a son rôle à jouer. « Il faut envisager différentes stratégies d'adaptation, où la variété joue un rôle primordial. » Selon Jean-Pierre Cohan, la génétique travaille sur trois leviers : l'esquive, avec une modification de la phénologie et des durées grâce à des variétés précoces, l'évitement, grâce à un enracinement accru par exemple, et la tolérance aux aléas, qui signifie une réduction de l'impact du facteur externe sur la productivité. Pour Jean-Pierre Cohan, la précocification du cycle du lin de printemps et le choix d'un lin d'hiver sont des réponses à court terme dont on aurait tort de se passer. « Mais ces stratégies auront leur limite. Il faudra les combiner avec le développement de variétés plus tolérantes aux stress thermiques et hydriques. » Ces profils variétaux "de demain" sont définis dans des sites qui présentent les profils climatiques de demain. C'est pourquoi le lin est testé à la plateforme d'expérimentation d'Arvalis nommée PhénoField, en pleine Beauce. « Le lin a besoin d'un modèle de culture performant, et d'outils de génotypage et de phénotypage de la diversité génétique. La filière y travaille depuis quelques années », conclut Jean-Pierre Cohan.•