« Nous sommes seulement à 50 % d’autosuffisance dans la filière viande de l’élevage ovin en France », dixit Grégoire Mille, président de la section ovine de la FNSEA 76. Magré des contraintes de production en raison de sa saisonnalité, la filière a de nombreux atouts pas toujours bien exploités et avec des parts de marché à prendre en France.
« C’est une viande chère et festive. Elle est surtout consommée à Pâques et à Noël, deux périodes de l’année pendant lesquelles les gens ont le temps de cuisiner. Parce qu’en effet, la viande ovine demande du temps et de la préparation. Ce n’est pas vraiment dans l’air du temps. Aujourd’hui les gens veulent cuisiner rapidement pour avoir plus de temps libre. Mais nous travaillons beaucoup à remédier à notre problématique numéro une : refaire consommer de la viande d’agneau aux jeunes », souligne-t-il. L’interprofession, Interbev, travaille d’ailleurs actuellement sur la confection de plats préparés à base d’agneau. Pour redorer son image, la filière peut aussi compter sur le label Rouge et les certifications “Filière qualité Carrefour” et “Agneau de nos régions” du groupe Intermarché.
Une filière lait quant à elle peu représentée
« Il y a seulement 2-3 éleveurs ovin lait en Seine-Maritime, la filière est peu représentée dans la région. Cela s’explique par l’absence de collecte du lait de brebis. Cela implique donc que l’éleveur transforme et vende lui-même sa production », explique le président de section. Cette activité de transformation et de commercialisation demande beaucoup de temps en plus des tâches quotidiennes de traite et de production de fourrages. De plus, la brebis ne produit que très peu de lait. « En revanche la demande est croissante, il y a un vrai marché à prendre pour les intéressés », complète-t-il.
Une production qui demande peu de capitaux
« La production ovine est peu gourmande en capitaux, les coûts en matériel et contention sont moindres par rapport à d’autres types d’élevage. Les équipements pouvant être nécessaires à la bonne gestion de l’élevage comme les caméras mise bas par exemple, ou encore les barrières, clotûres, sont éligibles à “l’aide aux petits investissements”. De plus, la rotation des bêtes est courte. Une brebis produit entre un et deux agneaux à la vente l’année suivante, le renouvellement est rapide et permet donc une rentrée d’argent immédiate », poursuit Grégoire Mille. C’est sûrement ce qui attire la jeune génération. « C’est un atelier qui peut être complémentaire à d’autres productions, qui permet de valoriser les mauvais herbages, d’occuper une main-d’œuvre durant la période d’agnelage l’hiver, d’utiliser les sous-produits tels que la paille et tant d’autres choses. Mon rôle de président de section c’est également cela, promouvoir la filière ovine à travers ses différents avantages et intérêts auprès des jeunes », conclut-il. •
Sébastien Cuvier, boucher-charcutier à Fauville-en-Caux
Sébastien Cuvier chérit sa clientèle depuis quatre ans dans sa boucherie-charcuterie “Maison Cuvier” située à Fauville-en-Caux. Après 15 ans d’expérience dans le domaine, il a ouvert son commerce en juillet 2018 avec sa femme. De deux au départ seulement, ils emploient aujourd’hui cinq salariés. Sur les étals, bœuf et viande porcine sont proposés, mais l’agneau est également mis à l’honneur. « J’achète deux agneaux par semaine exclusivement auprès de Pierre Lenouvel qui commercialise “L’agneau du Pays de Caux”. J’achète les agneaux entiers à 6,50 euros/kg, sans les frais d’abattage. Tous les morceaux de la bête sont vendus mais les côtes sont les plus convoitées. Je les vends plutôt classiquement mais l’été je les prépare, avec mon équipe, en sauce. À Pâques, la plus grosse période de vente, elles sont en couronne. Le prix de vente de la viande est aux alentours de 23,95 euros/kg, le prix est équivalent à une côte de bœuf. L’avantage de l’agneau, pour moi boucher, est la rapidité de la découpe et la préparation qui est moindre par rapport à d’autres viandes », explique l’artisan. La viande de mouton, quant à elle, est peu convoitée par la clientèle. Le boucher en vend très rarement, plutôt sur commande.
Charles Pillet, animateur Inn’ovin
« Mon rôle est de promouvoir la filière ovine en Normandie. Ma casquette d’animateur Inn’ovin me permet d’être totalement neutre et objectif, je n’ai rien à vendre. Je favorise l’installation de jeunes éleveurs ovins, j’interviens au sein des écoles et je participe également à l’organisation de journées techniques pour former à la filière. Ce rôle a pour but de redonner un nouvel élan à la production ovine. Pour cela il est important de ne pas reproduire les mêmes erreurs que celles du passé. C’est-à-dire passer beaucoup de temps dans un élevage sans qu’il ne soit rentable. Mais cela passe par des investissements de la part de l’éleveur, qui selon moi, n’ont pas été assez conséquents auparavant. J’apporte donc des solutions aux jeunes éleveurs. Nous avons ici dans notre région des terres à fort potentiel qui entrent en concurrence avec l’élevage. Mais j’aime dire que l’élevage ovin peut être un atelier complémentaire aux céréales. En effet, les ovins permettent de valoriser une prairie, pâturer un blé, entretenir des surfaces, de manière générale créer de la valeur ajoutée sans avoir besoin d’acheter de nouvelles terres. »
Pierre Lenouvel, éleveur ovin à Normanville
Après l’obtention d’un BTS Analyse et conduite des systèmes d’exploitation (Acse), Pierre Lenouvel est revenu sur l’exploitation de son père, la SARL Ferme Lenouvel, en 2011 en tant que salarié. Il s’installe définitivement sur l’exploitation ovine en 2014 avant d’être rejoint par sa femme en 2017. « Depuis notre arrivée, nous avons opéré quelques changements. Tout d’abord nous avons doublé le cheptel. Il compte aujourd’hui 500 brebis. À l’origine de race croisée, essentiellement suffolk, nous nous sommes tournés vers une race plus prolifique et qui permet le désaisonnement : la romane. L’élevage ovin, notamment parce qu’on peut le désaisonner, s’associe parfaitement au travail en plaine et au pâturage sur couvert », précise l’éleveur. « Physiquement, travailler avec une bête de cette taille, c’est plus facile qu’avec un bœuf, ajoute sa femme Adèle. « Mais ce n’est tout de même pas donné à tout le monde d’élever des agneaux », renchérit l’éleveur avant d’expliquer : « Comme nous sommes peu nombreux en Seine-Maritime, il y a peu d’échanges, il est donc difficile de bénéficier de retours d’expérience. L’éleveur doit donc parfaitement maîtriser les techniques de son élevage afin de pouvoir agir seul en cas de problème. » À l’heure où la population d’éleveurs ovins est faible dans la région et plutôt vieillissante, Pierre Lenouvel a voulu redorer l’image de la filière en créant sa marque “L’agneau du Pays de Caux”. « Nous voulions vraiment mettre en avant l’agneau auprès du consommateur et garantir une qualité du produit ». Il vend sa production à des bouchers-charcutiers du département ainsi qu’en GMS. Les prix varient en fonction des cours. « Ils sont globalement à la hausse. L’avantage de cette filière c’est qu’elle ne connaît pas de crise. Depuis que je suis installé, j’ai toujours connu des prix à la vente très raisonnables. C’est vraiment une filière intéressante qui permet un complément de revenus non négligeable aux côtés des productions végétales. Sans compter que cette production me permet de valoriser les couverts. C’est une filière qui, selon moi, a de l’avenir », conclut l’éleveur.