Plus de saison en Normandie : le climat change !
Comment vérifier la réalité du changement climatique ? Les enregistrements des stations météorologiques et des rendements prouvent que le temps a bien changé depuis 1960-1970. L’observatoire Oracle Normandie rassemble ces informations pour l’agriculture normande.

Même constat dans toute la Normandie, comme ailleurs en France : les températures augmentent. Par exemple à Saint-Hilaire-du-Harcouët (50), dans le Sud-Manche, la température moyenne annuelle est passée de 9,5°C en 1960 à 12°C en 2015, + 2,5°C en 55 ans. Pour illustrer ce changement, 12°C était la température moyenne à Nantes dans les années 1960, 150 km au sud de Saint-Hilaire. Les effets de ces degrés en plus sont bien visibles sur les cultures normandes : la floraison des pommiers est plus précoce, les moissons et surtout l’ensilage de maïs se font plus tôt, et l’herbe poursuit désormais sa pousse pendant presque tout l’hiver.
Les gelées plus dommageables
Des gelées tardives comme celles d’avril 2021 se produisaient déjà dans le passé. En 1961 (graphique 2), la température est descendue sous zéro à Caen le 29 mai. La date de dernière gelée au printemps fluctue énormément d’une année sur l’autre. Certaines années très tôt : en 1991, 1992, 2001 et 2002, le dernier gel a eu lieu entre le 2 et le 5 mars à Caen. D’autres années beaucoup plus tard : en 1974, 1979, 2010, le dernier coup de gelée est arrivé entre le 7 et le 14 mai, cela sans compter les années 2017 à 2021 non représentées sur le graphique.
Ainsi, même si la tendance est à la précocification du dernier jour de gel, avec une moyenne au 11 avril en 1960 qui s’est avancée au 30 mars en 2015 (droite noire sur le graphique 2), la date de dernière gelée de printemps reste imprévisible. Et surtout le gel provoque davantage de dommages sur les cultures car leur floraison est plus précoce à cause du réchauffement. Pour les années à venir, les modèles climatiques indiquent que ce risque va encore s’accentuer.
L’herbe pousse plus vite au printemps
Le changement climatique a pour avantage une précocité plus grande des cultures, ce qui en matière de fourrages permet de renouveler les stocks plus tôt. Ainsi la pousse de l’herbe dépend d’une somme de température en base 0°C plafonnée à 20°C à partir du 1er février. Pour une espèce fertile et précoce telle que le ray-grass anglais, le stade optimal d’ensilage (début de l’épiaison) est atteint à 700 degrés-jours cumulés. A Rouen (graphique 3), la date où l’herbe atteint le stade d’ensilage est passée en moyenne du 17 mai en 1969 au 29 avril en 2017, soit presque 3 semaines de moins en 48 ans. Les périodes d’ensilage doivent donc être plus précoces afin de récolter une herbe de bonne qualité.
De fait, les éleveurs se sont adaptés : dans toute la Normandie les coupes d’herbe sont avancées et certaines années elles sont engagées dès le mois de mars. En revanche, les sécheresses plus marquées et les températures élevées écornent la production estivale des prairies.
La production du blé plafonne
Les rendements départementaux du blé tendre d’hiver plafonnent en Normandie à partir des années 1996-1998 (graphique 4). Une étude de l’INRAe montre que ce plafonnement - observé dans toute la France - s’explique pour 30 à 50 % par le changement climatique. Il est provoqué par la fréquence accrue des sécheresses et de l’échaudage (température élevée au stade de remplissage du grain).
Auparavant, les rendements du blé montraient une hausse régulière grâce à la sélection variétale et à l’amélioration du suivi de la culture. Le plafonnement est plus ou moins sévère, il est très marqué dans l’Orne où les sols sont plus superficiels et les températures plus élevées. Dans une partie de l’Eure et en Seine-Maritime, la proximité de la mer et les sols profonds (meilleure réserve en eau) atténuent cet effet. Les rendements y continuent à augmenter, quoique moins rapidement qu’avant.
Oracle Normandie 2020 est téléchargeable sur https://normandie.chambres-agriculture.fr/territoire/energies-climat-air/climat/
Le changement climatique le 10 juin aux Prairiales
Aux Prairiales de la Blanche-Maison près de Saint-Lô (50), venez découvrir les adaptations techniques possible face à ces changements climatiques au sein du pôle « Le climat change, nous aussi ! ». Et participez à la conférence-débat avec Sarah Singla sur ses expériences en la matière en tant qu’agricultrice et agronome aveyronnaise.
savoir plus
39 indicateurs sur le changement climatique et l’agriculture normandeOracle est l’observatoire régional sur l’agriculture et le changement climatique mené depuis 2016 par les chambres d’agriculture de Normandie. Il rassemble 39 indicateurs sur l’évolution de 1960 à aujourd’hui pour les départements normands. Sont examinés les températures, les pluies, l’évapotranspiration, le gel… et leurs conséquences pour les productions agricoles normandes : céréales, maïs, prairies, protéagineux, pommiers, lin, soja, animaux d’élevage, haies... De nouveaux indicateurs sont élaborés chaque année avec les aides de l’Ademe et du Casdar.