Lorsque des troubles s’invitent dans les relations de voisinage.
Si pour beaucoup la vie à la campagne semble agréable et pleine de charme, certains inconvénients, de voisinage notamment, peuvent aussi survenir. Comment les supporter ou les traiter en bonne intelligence pour éviter conflits et procédures.

Comment concilier activité agricole indispensable à notre économie et respect des riverains. Parmi les troubles de voisinage les plus fréquents en milieu rural on note les nuisances liées aux bruits, aux odeurs, les insectes, les gênes visuelles ... avec une accentuation à la belle saison lorsque, pour des raisons diverses, chacun se retrouve en extérieur.
Quand peut-on parler de nuisance ?
Les troubles « anormaux de voisinage » sont définis comme des inconvénients qui excèdent ce que l’on peut « normalement » supporter. C’est dire que « le supportable » peut varier d’une personne à l’autre et que de même, toute odeur, tout bruit ou autre désagrément ne relèvera pas automatiquement de la qualification de trouble anormal. Certaines nuisances font l’objet de règlementations spécifiques et leur le manquement pourra être sanctionné ; mais c’est essentiellement la jurisprudence qui abonde en cette matière. Depuis une vingtaine d’années, les situations jugées se multiplient, amenant les tribunaux à définir ce qu’il faut entendre par « normalement acceptable ou non » et notamment pour les riverains d’exploitations agricoles. Les décisions retenant l’existence d’un trouble anormal de voisinage sont plus nombreuses, et parfois même surprenantes. On se souvient des procédures contre le chant du coq, le gloussement des dindons ou le cancanement des canards, soumis à la Cour d’Appel de Paris en 2000.
Un régime propre aux troubles de voisinage
Les troubles de voisinage sont régis par un régime propre, pour lequel il n’est pas nécessaire de démontrer qu’il y a eu faute de son auteur pour obtenir réparation. En effet, la responsabilité est encourue, non pas sur le fondement classique de l’article 1382 du code civil, mais sur un principe général de droit selon lequel « nul ne peut causer à autrui un trouble de voisinage » (C. Cass 09.11.1986). C’est au juge qu’il appartient alors, souverainement, de rechercher si la nuisance incriminée est suffisamment constituée. Pour la qualifier il pourra s’appuyer sur : la force du trouble, sa fréquence, sa persistance, son intensité, son lieu... Prudence donc dans les pratiques agricoles car : même si aucune faute n’a été commise par l’agriculteur, même si l’activité est normale au vu du contexte et du lieu, bien que l’agriculteur respecte les prescriptions administratives (règlement sanitaire, installations classées), malgré que les nuisances ne soient qu’occasionnelles..., cela ne suffira pas toujours à le mettre à l’abri des revendications de tiers et du rejet systématique de leurs réclamations.
La règle de l’antériorité et ses limites
Celui qui s’installe à proximité d’une activité, en l’occurrence agricole, déjà existante ne peut en ignorer les éventuelles nuisances. C’est ainsi que l’article L.112-16 du code de la construction dispose que « les dommages causés aux occupants d’un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, commerciales ou aéronautiques n’entrainent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé postérieurement à l’existence des activités les occasionnant ; et dès lors que ces activités s’exercent en conformité avec les dispositions législatives ou règlementaires en vigueur et qu’elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions ». Si le but est de protéger l’entrepreneur et la pérennité de son activité, cette règle ne vaut que pour les aménagements préexistants et dès lors que l’exploitation se poursuit dans les mêmes conditions ; et notamment sans aggravation ou création de nuisances que le juge pourrait alors sanctionner.La recrudescence de ces situations, souvent épidermiques pour chacune des parties en cause, amène certains à se demander s’il sera encore possible d’exercer l’agriculture en zone rurale ? En effet, force est de constater un glissement de la notion de zone rurale vers celle de zone paysagée, générant ainsi plus de contrainte dans l’exercice de l’activité de l’exploitant.Dans ce contexte, afin d’assurer à chacun une jouissance paisible dans sa vie privée ou dans son activité professionnelle, la discussion et la conciliation entre voisins sont les solutions à prioriser. Pour les départements où il existe une charte de bon voisinage, elle pourra être à la foi un outil d’anticipation et un appui à la médiation.
Rappel sur la réglementation relative au bruit.
Un arrêté de 2014 relatif à la lutte contre le bruit de voisinage précise que les appareils d’effarouchement acoustique pour la protection des cultures agricoles ou arboricoles doit s’effectuer dans les conditions suivantes :
• Le fonctionnement doit être suspendu du coucher du soleil au lever du jour
• Le nombre de détonation par heure peut être fixé de manière individuelle par le maire. L’Inrae préconise un maximum de quatre détonations par heure
• Les appareils doivent être arrêtés systématiquement dès que le risque de dégradation par les prédateurs ne se justifie plus.
• Par sécurité, une distance de 50 mètres du voisinage des autoroutes, routes nationales, départementales, des voies communales, des chemins ruraux et des voies ferrées doit être respectée.
• Leur implantation ne peut se faire à moins de 200 mètres d’une habitation ou d’un local régulièrement habité. Ils sont positionnés dans la direction la moins habitée et si possible dans le sens opposé aux vents dominants.
• Une distance de 100 mètres en deux effaroucheurs doit être respectée.
• Dans la mesure du possible, ils sont installés en utilisant les écrans naturels ou artificiels de façon à limiter la propagation des sons vers les zones habitées. Au-delà de ces règles, les mesures de bon sens doivent prévaloir lors de l’installation de ces effaroucheurs.
Simon Huet