« Le droit rural est un droit vivant qui ne cesse d'évoluer au gré du développement des entreprises agricoles
L'Association française de droit rural (AFDR) tient son 39e Congrès national à Bois-Guillaume les 11 et 12 octobre. Patrick Van Damme, président de l'AFDR Haute-Normandie et expert-comptable, nous présente l'événement et les questions qui se font jour autour du statut de l'exploitant agricole.
L'Association française de droit rural (AFDR) tient son 39e Congrès national à Bois-Guillaume les 11 et 12 octobre. Patrick Van Damme, président de l'AFDR Haute-Normandie et expert-comptable, nous présente l'événement et les questions qui se font jour autour du statut de l'exploitant agricole.






Vous allez accueillir lors de ce congrès une pléiade de professionnels du droit rural, qu'est-ce qui a conduit à la naissance de ce droit et à la formation de spécialistes de la matière ?
« Pour rappel, le droit rural est l'ensemble des règles applicables à l'activité agricole et à ceux qui la pratiquent. Il a pour objet de régler les difficultés que rencontrent les entreprises agricoles qui travaillent dans les territoires ruraux. C'est un droit vivant, qui mobilise aussi bien des instruments du droit privé (le droit des biens, des contrats, de la concurrence, de la famille...) que du droit public (autorisations administratives, fiscalité, urbanisme, police de l'environnement...) et qui ne cesse d'évoluer au gré du développement des entreprises agricoles. Aujourd'hui il englobe aussi le droit de l'espace rural et s'intéresse à l'aménagement et au développement des territoires. Il mêle aussi le droit immobilier et celui de l'environnement dont il devient une branche pour protéger et gérer les ressources naturelles dans un contexte économique de plus en plus concurrentiel ».
« Petit retour historique. En 1804, lors de la création du Code civil sous Napoléon, les activités des propriétaires agricoles étaient qualifiées de civiles. Au fur et à mesure des évolutions du monde agricole, des textes et des normes, il a été nécessaire de créer un droit rural, à l'instar de ce qu'il y avait avec le droit commercial. Le droit rural s'est développé après la seconde guerre mondiale, à la faveur de la première grande loi d'orientation agricole et de la création du fermage (inscrit dans la loi du 13 avril 1946 codifiée à l'article L. 411-1 et suivants du Code rural), pilier du régime juridique des baux ruraux qui devait permettre la mise à disposition de parcelles entre propriétaires et fermiers afin d'aider au développement de l'activité agricole. Désormais, ce code encadre et accompagne aussi l'évolution de l'agriculture française dans le cadre juridique européen dessiné par la Pac et ses diverses orientations. »
Pouvez-vous nous rappeler ce qu'est l'AFDR, son rôle et ses missions ?
« C'est dans le contexte d'après-guerre que l'AFDR a été créée. En 1957 plus précisément. Elle est à l'initiative de Maître Jean Mégret, avocat au Barreau de Paris. Avocat, écrivain, enseignant, Jean Mégret est un visionnaire qui, très tôt, a senti la mutation de l'agriculture et du monde agricole. Il comprend que nous assistons à l'émergence d'un droit moderne agricole visant à assurer à tous ceux qui exercent la profession d'agriculteur un niveau de vie comparable à celui des autres secteurs économiques. C'est d'ailleurs lui qui crée en 1950, l'Institut des Hautes études de droit rural et d'économie agricole (Ihedrea), jugeant qu'il était nécessaire de former les futurs cadres dont le monde agricole avait besoin. Il est d'ailleurs à noter que le syndicalisme agricole, la FNSEA en particulier, emploie régulièrement des étudiants sortis de cette école pour assurer les services dans les fédérations. »
« Au fil des ans, l'AFDR s'est transformée en association composée de juristes d'entreprises, d'avocats, de notaires et d'universitaires, demandant aussi une collaboration à des responsables d'institutions agricoles. Aujourd'hui l'ensemble de ses membres se donnent chacun pour mission la bonne application du droit rural au niveau régional (22 associations régionales) et se regroupent pour assurer sa bonne évolution au niveau national. Nous menons au sein de l'AFDR des travaux qui visent à harmoniser et démocratiser le droit rural. Ces travaux sont transmis aux directions ministérielles ainsi qu'aux syndicats agricoles afin qu'ils se saisissent des propositions que nous leur faisons. »
Ce congrès a comme thème "Le statut de l'exploitation agricole : zones de perturbations ? " Qu'est-ce qui se joue actuellement concernant ce statut ?
« En 1988 a été créée la notion d'entreprise agricole avec la définition de l'activité agricole. Depuis, il y a eu un développement très prononcé de la diversification et de la pluriactivité exercées par une seule et même personne. On peut être agriculteur et exercer en même temps d'autres activités. C'est la situation que pose de manière sous-jacente notre thème ».
« Partant du constat qu'il y a aujourd'hui de moins en moins d'exploitants agricoles ou d'entreprises agricoles alors même qu'il y a autant, si ce n'est plus de productions agricoles ; il semble nécessaire de faire évoluer la notion d'entreprise agricole et pourquoi pas arriver à une notion plus économique pour se dire : les personnes, quelles que soient leurs activités, réalisent une activité professionnelle. Par ce biais-là se demander s'il faut toujours des mesures particulières de droit rural ou s'il ne serait pas mieux d'aller vers quelque chose de plus rassembleur pour les comparer à d'autres champs d'activité que sont les activités commerciales, non commerciales ou civiles, et arriver in fine à une définition de l'activité professionnelle qui pourrait englober les diverses activités réalisées par une seule et même personne, qu'elle soit physique ou morale. Par exemple, est-il encore souhaitable de dissocier l'activité agricole de l'activité commerciale dès lors que l'agriculteur fait de la revente de produits qu'il n'a pas lui même produit et d'avoir pour ce faire deux structures différentes ? Je n'en suis pas certain. Pour ma part, je pense qu'il serait peut-être judicieux de n'avoir qu'une seule et même structure qui engloberait les deux activités, et d'orienter certaines mesures non pas en fonction de la nature de l'activité professionnelle mais du territoire rural sur lequel elle a lieu. À cette simplification des structures sociétaires s'ajouterait une simplification des règles fiscales. D'autres pays, à l'instar des Pays-Bas ou des États-Unis, ont choisi cette voie. Le débat est lancé. »•
Propos recueillis par Laurence Augereau
Ce 39e Congrès national de l'AFDR est ouvert aux adhérents de l'association comme aux non-adhérents qui souhaitent suivre les débats.
Date : 11 et 12 octobre
Lieux : Auditorium de la Cité de l'agriculture à Bois-Guillaume.
Programme et tarifs détaillés sur https://droit-rural.com/