La complémentation des veaux au pâturage
La mise à l'herbe n'a pas encore commencé chez certains éleveurs qui attendent une meilleure portance des sols. En élevage allaitant, l'heure est également à la réflexion chez certain sur la manière d'alloter le troupeau. Pour alimenter cette réflexion, il est primordial de s'interroger sur la stratégie de complémentation de ses veaux au pâturage.
La mise à l'herbe n'a pas encore commencé chez certains éleveurs qui attendent une meilleure portance des sols. En élevage allaitant, l'heure est également à la réflexion chez certain sur la manière d'alloter le troupeau. Pour alimenter cette réflexion, il est primordial de s'interroger sur la stratégie de complémentation de ses veaux au pâturage.








En effet, l'alimentation des veaux jusqu'au sevrage est un des leviers possibles pour atteindre les objectifs de production des différentes catégories animales, en fonction de leur destination, du contexte économique et du marché. Néanmoins, à l'échelle du système d'exploitation, la stratégie retenue doit aboutir à une conduite cohérente des différents lots d'animaux au sein du troupeau.
Pour les veaux, les sources principales d'alimentation demeurent le lait des mères et l'herbe pâturée ! N'oublions pas que le terme "broutard" provient du fait que le veau qui tète sa mère et qui l'accompagne en prairie, "broute" également de l'herbe. Dès lors, une fois les animaux dehors, le pâturage reste la source première des apports.
Pourquoi complémenter les veaux ?
La complémentation des veaux ne doit pas être un palliatif à une déficience chronique du système fourrager. Le but de la complémentation est de couvrir les besoins constants du couple mère/veau autour de 12 UFL/jour, pour :
- permettre la production laitière ;
- couvrir la remise en état de la vache ;
- faciliter la croissance du veau avec un GMQ entre 1 000 et 1 200 g/j.
Dès lors, la complémentation se justifie quand les diminutions combinées de la quantité de lait maternel et d'herbe ne couvrent plus les besoins du veau. C'est pourquoi, sauf en cas de chargement élevé, de sécheresse prononcée ou pour les stratégies de vêlages à 2 ans, elle ne se justifie pas pour les génisses car une bonne gestion de l'herbe permet de maintenir un gain moyen quotidien (GMQ) de 900 à 1 000 g/j et d'atteindre l'objectif de 40 % du poids adulte au sevrage. Dès lors, il convient souvent d'alloter au pâturage en séparant veaux mâles et veaux femelles.
Pour les mâles, la complémentation se raisonnera en fonction :
- du climat et notamment en cas de sécheresse ;
- du chargement ;
- des objectifs de commercialisation (poids et dates de vente) ou du type d'animaux produits (broutards, taurillons ou bœufs) ;
- de la date de vêlage : pas/peu de complémentation pour des vêlages de fin d'été, une complémentation l'été suivant la date de sevrage prévue pour les vêlages d'hiver et pour les vêlages de fin d'hiver/début de printemps, la complémentation sera réalisée en automne pour éviter que les veaux ne soient pas trop légers au sevrage.
Quelle quantité distribuer ?
D'après différents essais menés en stations expérimentales, quelles que soient les situations, un apport de concentrés augmente la croissance des veaux et leur poids au sevrage. Il faut donc trouver le compromis entre valorisation par l'animal et intérêt économique. L'efficacité optimale se situe entre 5 et 10 kg de concentrés par kg de gain supplémentaire, ce qui correspond à un apport total de 150 à 225 kg/animal.
Par conséquent les "doses homéopathiques" ne sont pas utiles et les "consommations de luxe" ne présentent pas d'intérêt économique tout en accroissant les risques de problèmes sanitaires (entérotoxémie et météorisation notamment).
Les apports doivent être progressifs : de 1 kg/j au démarrage à 3-3,5 kg/j avant sevrage. En pratique, la consommation d'aliments concentrés par les veaux est d'environ 1 kg/100 kg de poids vif au nourrisseur, et de 0,5 kg/100 kg de PV (poids vif) en cas de distribution rationnée.
Quels types de concentrés apporter ?
La composition du concentré à distribuer doit normalement tenir compte de la disponibilité et de la qualité du fourrage qu'il reçoit par ailleurs. Elle devrait donc se raisonner selon la qualité de l'herbe (abondante et feuillue, sèche et fibreuse...). Mais souvent pour des raisons de simplification du travail, le même aliment est distribué sur toute la campagne de pâturage.
Dès lors, pour satisfaire la plupart des situations, il conviendra d'employer un aliment équilibré en énergie et protéines autour de 16 % MAT, entre 0,9 et 1 UF/kg pour un rapport UF/PDI entre 100 et 110 g.
Les teneurs en amidon et en cellulose sont quant à elles à raisonner en fonction du mode de distribution. Les aliments riches en amidon et pauvre en cellulose doivent être rationnés pour éviter les risques sanitaires et notamment d'acidose. Pour des distributions à volonté, surtout en cas de fortes consommations, la digestion sera sécurisée par des teneurs en cellulose au minimum de 11 à 12 %.
Les aliments composés du commerce sont généralement sécurisés en cellulose mais leur valeur est alors souvent plus faible, autour de 0,80 UFV/Kg, soit une valeur proche de l'herbe pâturée, limitant alors l'intérêt de les utiliser. Il convient donc de vérifier avant achat la composition des mélanges (aliments composés ou mash) pour savoir s'ils répondent aux valeurs moyennes préconisées.
Il est également possible de réaliser un concentré dit fermier en mélangeant 2 à 3 matières premières différentes. Cet aliment sera généralement composé d'une céréale aplatie (ou d'un coproduit issu de céréale type corn gluten) pour l'apport d'énergie, d'un complémentaire protéique (tourteau ou protéagineux aplati ou broyé) et éventuellement d'un aliment cellulosique type pulpe sèche ou luzerne déshydratée pour sécuriser le mélange. Ne pas oublier l'incorporation de minéraux à ce type de mélange.
La composition du concentré sera raisonnée en fonction du mode de distribution (rationné ou à volonté). Quels que soient les composants, le mélange devra être le plus homogène possible. Pratiquement, l'utilisation d'une bétonnière peut être une solution intéressante.
Comment complémenter ?
Il existe deux méthodes de distribution au pâturage : rationnée ou à volonté en libre-service (nourrisseur).
Le rationnement journalier :
- risque de surconsommation ;
- perte possible ;
- pas de contrôle de la consommation.
Le libre-service - nourrisseur :
- nécessité d'une place par veau ;
- un parc à veaux spécifique dans la pâture ;
- distribution journalière ;
- permet de moduler la quantité selon la pousse de l'herbe.
Quelques rappels pour une bonne utilisation du nourrisseur :
Il faut veiller à la bonne stabilité de l'appareil (contact avec les vaches) et à ce que le nourrisseur soit réellement sélectif avec une trémie étanche avec une grande capacité de stockage. Il doit être bien orienté (par rapport aux vents de pluie) afin d'éviter le gaspillage à l'auge.
De même, il doit être placé au cœur de la zone de rumination des vaches (souvent non loin des zones ombragées ou sèches) pour augmenter le temps de présence des broutards autour de l'appareil. L'accès du nourrisseur doit être facile d'accès pour les broutards leur permettant un dégagement rapide mais aussi pour l'éleveur pour faciliter le chargement. Enfin, il ne faut pas d'appareil vide et donc veiller à un approvisionnement régulier.
Les clés de la réussite d'une bonne complémentation
La complémentation des veaux ne reste qu'un appoint à apporter lorsque la production laitière des mères diminue et que la pousse de l'herbe ralentit. Les premières clés de la performance restent donc l'amélioration génétique (allaitement) et la culture de l'herbe (qualité et quantité).
Une fois ces critères travaillés, la réussite d'une bonne complémentation passe par des quantités distribuées raisonnables, et une réflexion économique sur le type d'aliments utilisés mais aussi sur les objectifs recherchés.•