Syndicalisme
Il faut répercuter la hausse des coûts de production
Yvan Fourré, président de la section porc de la FRSEA de Normandie
Yvan Fourré, président de la section porc de la FRSEA de Normandie

Le cours du porc bat des records, cela couvre-t-il la hausse des coûts de production ?
« Hélas non. Je comprends que certains puissent être surpris par cet avis mais le prix des aliments a tellement flambé que nos coûts ne sont pas couverts, même à 1,86 euro/kg. Et ce d’autant que la crise avait démarré dans notre filière dès le début 2021, un an avant la guerre en Ukraine, avec des hausses de prix des protéines végétales, puis des céréales avec lesquelles nous nourrissons nos animaux. »
Des aides ont été décidées. Quel est le bilan en Normandie ?
« Nous avons d’abord bénéficié d’un plan d’urgence au mois de mars, puis d’une deuxième enveloppe accessible en avril. Ces aides ont apporté une bouffée d’oxygène et soulagé nos trésoreries. Je remercie au passage les services de l’État pour la simplicité des dossiers et la rapidité de versement de ces aides. Nous avons aussi pu accéder au plan de résilience pour les filières animales mis en place pour compenser les surcoûts alimentaires entre septembre 2021 et février 2022. Là aussi, les éleveurs ont pu se positionner et être accompagnés de manière appréciable. Nous avons juste dû batailler pour que les éleveurs en procédure de redressement mais sans plan validé puissent être éligibles. »
Et pour les prises en charges de cotisations sociales, qu’en est-il ?
« Les dossiers sont à déposer en ce moment. Cela arrive après d’autres aides et il n’est pas certains que les critères permettent à tous d’en bénéficier. Ce sera au cas par cas et plafonné à 3 800 euros par élevage. Néanmoins, j’encourage les éleveurs à faire leur calcul. La remise vient en complément des autres aides, moyennant qu’elles n’aient pas couvert les pertes. »
La fin de la castration à vif des porcelets fait aussi débat dans votre filière. Quels sont les termes du débat ?
« La castration à vif des porcelets est interdite depuis le 1er janvier. Or, certains opérateurs souhaitent toujours être livrés en mâles castrés. La question est celle des surcoûts car outre les produits nécessaires, il faut prendre en compte la main-d’œuvre que cette opération mobilise. L’Ifip a chiffré le surcoût à 13,7 centimes par kilo de carcasse. L’AOP Grand Ouest, qui regroupe 10 organisations de producteurs, souhaite facturer 7 centimes à ses clients. De leur côté, les abatteurs ne consentent qu’à payer 2 centimes, ne prenant en compte que le coût des produits. Il me semble pourtant que dans les abattoirs toutes les heures de travail
sont payées... C’est le cas aussi dans nos élevages. Nous devons donc répercuter ce surcoût. Nous sommes là dans un bras de fer. »
De son côté, l’Anses a appelé à réduire les teneurs en nitrites contenus notamment dans les charcuteries. Qu’en pensez-vous ?
« Qu’une fois de plus on ne retient que le côté négatif. Car l’Anses dit aussi qu’actuellement, seul 1,5 % de la population est exposé à plus que la dose journalière admissible. Une situation facilement améliorable avec une baisse de la consommation de charcuterie par cette frange de la population. Au lieu de cela, les médias insistent sur une recommandation à réduire les quantités utilisées. La filière n’a pas attendu ce rapport pour s’y atteler. Mais attention, on arrive à un point où réduire les nitrites entraînera une moins bonne conservation du produit et, donc, un raccourcissement des dates de péremption. Cela entraînera des pertes de produits. Dans ce domaine, la décision doit être européenne sous peine de créer une nouvelle distorsion de concurrence. »