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Quelles mesures simples et peu onéreuses pour relancer la production ?

Quelles sont les mesures simples et immédiates, qui ne coûteraient rien à l'État et qui rendraient service aux agriculteurs ? Tel était le sujet proposé par le groupe de recherche sur la santé et l'environnement 
“Oui à l'innovation”, porté par Pascal Perri. Pour traiter le sujet, l'économiste a invité Éric Thirouin, agriculteur et président de l'AGPB, et Yves Fantou, président de Culture Viande.

"C'est la première fois que je vois à ce point l'agriculture française en difficulté de toute ma carrière. Alors oui je comprends la colère des agriculteurs. Une colère partiellement traitée avec des mesures promises qui devaient être portées par la loi d'orientation mais son parcours législatif a été stoppé par la dissolution. Elle devrait faire son retour au Sénat à partir du 14 janvier sous réserve que le gouvernement actuel ne soit pas renversé. Ce texte qui avait déjà passé l'étape de l'Assemblée nationale plaçait l'agriculture au rang d'intérêt général majeur et devait faciliter la construction des bâtiments d'élevage ou de réserves d'eau", explique Philippe Pavard, directeur de la rédaction du partenaire La France agricole.

À côté de cela une proposition de loi, complémentaire à la loi d'orientation agricole, vient d'être déposée le 1er novembre par les sénateurs Laurent Duplomb et Franck Menonville qui veut libérer la production agricole des entraves normatives, principalement environnementales. Dans cette proposition, les sénateurs entendent réautoriser les néonicotinoïdes. Cette loi donnerait aussi la possibilité au ministère de l'Agriculture de suspendre une décision de l'Anses en matière d'homologation des produits phytosanitaires. Pour Éric Thirouin, ces mesures donneront satisfaction si cela va au bout évidemment : " les mesures poussées par les deux sénateurs rassemblent tous les points qui ne coûteraient rien à l'État. Ce sont des simplifications qui pourraient libérer notre capacité d'entreprendre ".

34 mesures sans passer par la loi

Le président de l'AGPB rappelle avoir transmis à la ministre de l'Agriculture 34 mesures pour faciliter le travail des agriculteurs, et qui n'ont pas besoin de passer par la loi. " Ce sont des décrets, des arrêtés ministériels que la ministre pourrait prendre rapidement : par exemple, la suspension du programme d'action nitrates. Aujourd'hui, nous sommes perdus sur la catégorie de fertilisants et les calendriers d'épandage ".

Parmi les mesures proposées, l'une concerne la Pac et la manière dont elle se décline en France : " on demande aux agriculteurs de s'adapter au changement climatique mais l'évolution de leurs pratiques n'est pas prise en compte ", ajoute Éric Thirouin qui donne l'exemple de l'orge de printemps qui peut être semée en automne plutôt qu'en février pour essayer de s'adapter aux évolutions du climat. " L'administration française a décidé seule que le printemps démarrait au 1er janvier. Donc une orge de printemps semée avant le 31 décembre devient une orge d'hiver ".

Cette décision remet en question la diversité des cultures sur une exploitation et peut entraîner une perte de points pour l'agriculteur. " Pour simplifier le contrôle et le travail de l'administration, on se retrouve dans une absurdité où on ne peut pas adapter nos décisions en fonction du climat. C'est juste un problème de contrôle ".

Prioriser certaines homologations de phytos

Une autre mesure simple sans engagement de l'argent public concerne le sujet des phytos et l'Anses. " Nous proposons que l'Anses puisse prioriser l'homologation des solutions concernées quand il y a des impasses techniques. Un décret suffirait pour que cela se mette en place ".

L'AGPB demande aussi que l'Anses mesure le rapport bénéfices/risques des solutions. " Dans tout produit il y a des risques mais il y a aussi des bénéfices. L'Anses ne regarde que les risques. Un simple décret suffirait également sur ce point ".

" Prendre en compte les nouvelles pratiques, prioriser l'homologation des produits phytosanitaires et analyser le rapport bénéfices/risques des solutions changeraient déjà beaucoup de choses pour les agriculteurs qui voient leurs moyens de production disparaître ", alerte le président de l'AGPB.

Une autre demande porte sur la simplification des paperasses au quotidien. " Chaque administration nous demande des papiers qu'il faut refournir à chaque fois. Pourquoi ne pas mettre en place un système de coffre-fort où les données essentielles dont l'administration a besoin seraient accessibles. Il est indispensable que les politiques se rendent compte que les entraves qu'ils mettent à l'activité de notre métier nous font perdre en compétitivité et nous fait perdre le moral et l'envie d'entreprendre ".

Soit on produit, soit on importe, que veut-on ?

" Pour moi, c'est très simple : soit on produit, soit on importe. Que veut-on ? Aujourd'hui à force de mettre des bâtons dans les roues de ceux qui veulent produire, nous arrivons à une décapitalisation du cheptel importante. En 2023, il a été abattu 1 million de porcs de moins par rapport à 2022. En bœuf, on perd 50 000 tonnes. Depuis un peu plus d'un an, on ferme un abattoir par mois ! Pendant ce temps-là les importations augmentent. Pour la volaille, nous sommes partis en France sur une production haut de gamme. Ce qui nous oblige à importer la moyenne et le bas de gamme. Un poulet sur deux consommés en France est importé ! ", ajoute Yves Fantou.

Dans sa proposition de loi, le sénateur Duplomb remet en question la politique de généralisation de la montée en gamme des produits français. " Les Français ne mangent pas des produits labellisés tous les jours. Nous avons laissé l'entrée et le cœur de gamme à l'importation ", regrette Philippe Pavard. 

Dans le cas des importations, Yves Fantou rappelle les attentes de la profession : aucun produit issu de la déforestation, application des clauses miroirs et contrôles au départ des marchandises.

Remettre du bon sens dans notre alimentation

Il pointe également du doigt le courant de pensée qui veut végétaliser la consommation de la population. " Cela devient un marqueur sociologique et cependant 95 % des foyers consomment de la viande. Nous devons lutter contre ces courants de pensée qui sont minoritaires et non scientifiques. Remettre du bon sens dans notre alimentation ne demande pas non plus d'argent public "

" On parle de souveraineté alimentaire mais on est en train de faire tout l'inverse. On détruit notre agriculture au profit de l'importation. Il est indispensable de continuer à expliquer la réalité de notre métier, pour faire entendre la voix de la majorité et non pas la voix de la minorité qui nous impose un certain nombre de choses qui nous bloquent. Il faut de l'innovation et de la simplification ", conclut Philippe Pavard.

Dans cette situation, la problématique du renouvellement des générations a enfin été évoquée par Yves Fantou : " il y aura une vague de départ importante dans les 5 ans qui viennent. Il faut que le métier séduise. Il faut donner envie aux jeunes de s'installer. La passion c'est bien mais cela ne suffit pas ".•

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