Observer la structure de son sol pour adapter son travail
Peu d’exploitants prennent le temps pour regarder de près la structure de leurs sols ; c’est pourtant une source d’information essentielle pour en comprendre l’évolution récente, observer le comportement du système racinaire, son effet structurant, l’activité biologique et enfin évaluer l’efficacité des pratiques ou faire les bons choix de travail du sol.
Peu d’exploitants prennent le temps pour regarder de près la structure de leurs sols ; c’est pourtant une source d’information essentielle pour en comprendre l’évolution récente, observer le comportement du système racinaire, son effet structurant, l’activité biologique et enfin évaluer l’efficacité des pratiques ou faire les bons choix de travail du sol.

Il existe plusieurs méthodes pour observer les tassements du sol, plus ou moins sophistiquées et performantes. « Le plus simple est le pénétromètre, une tige que l’on enfonce dans le sol et qui permet de repérer les zones compactées. Difficile de dire si la résistance ressentie vient d’un tassement du sol à cause des pratiques agricoles, d’un simple changement de texture du sol ou du taux d’humidité », explique Morgan Curien, conseiller en agro-pédologie à la chambre d’Agriculture de l’Oise. L’utilisation du pénétromètre comporte une grande part de hasard (on peut tomber sur un passage de roue !), mais permet un repérage rapide.
Autre méthode plus connue, le test de la bêche qui consiste à prétrancher un trou de 30 cm carré sur une hauteur de 30 cm, avec une deuxième bêchée que l’on soulève pour l’observer car elle est moins chamboulée par l’outil. « C’est une observation ponctuelle qui peut permettre de repérer les évolutions, mais qui est trop superficielle pour détecter les tassements profonds. Néanmoins, ce test est utile pour observer l’état de la structure du sol après moisson ou un arrachage de betteraves sucrières en bonnes conditions », reconnaît le jeune conseiller.
Ensuite, l’investigation peut être poussée par la réalisation d’un profil cultural, à 40 cm de profondeur sur 2 mètres de long. On peut repérer la semelle de labour et le passage des dents, mais il faut s’allonger pour observer plus finement.
Même si le must des pédologues restera toujours la fosse de 1 à 2 m de profondeur, le profil 3D, une pratique inventée par un agriculteur nommé Pépone, est un bon compromis, facilement reproductible et très parlant. Il s’agit de planter les fourches d’un télescopique en oblique dans le sol et de soulever le bloc de terre. « On peut lire sur les trois faces verticales du bloc et le dessous, cela permet d’avoir une bonne vision de l’activité biologique du sol, notamment du comportement des racines des cultures, de la présence de galeries et de vers de terre. » Il suffit de regarder les racines pour se rendre compte si elles rencontrent des zones compactées limitant leur colonisation du sol, qu’il pourra être envisagé de traiter par le travail du sol avant la prochaine culture. « On mesure l’évolution de l’enracinement dans les différents horizons et on évalue le nombre de galeries présentes. Un sol tassé avec des galeries sera toujours moins pénalisant que sans galerie », annonce Morgan Curien.
Profil 3D
Ensuite, l’observation du profil 3D se porte sur les galeries, qui peuvent subsister 20 ans dans les horizons non travaillés. Reconnaître si elles sont habitées permet d’informer si cette activité est ancienne ou si son intensité est bien actuelle. « On repère la présence d’anéciques, d’enchytréides, de collemboles, d’arthropodes, de limaces », liste le pédologue.
Le profil 3D permet d’observer les horizons jusqu’à 70 cm de profondeur. L’utilisation d’un couteau pour rafraîchir et extraire les agrégats renseigne sur la structure de son sol. « Leur taille, leur forme, l’aspect de leurs faces, leurs arrêtes et leur composition interne lorsqu’on les casse nous informe sur la porosité du sol et donc sur l’intensité d’un tassement. »
La profondeur du profil permet de se faire une idée de sa pédogenèse et de repérer la répartition des tâches d’oxydo-réduction (signe d’un manque prolongé d’oxygène). Si des taches sont bien présentes, leur localisation et évolution en profondeur permettront de distinguer si cette asphyxie est causée par un tassement sévère ou par la nature hydromorphe du sol. Ces taches sont la résultante des transformations du fer par les alternances d’oxygénation et d’asphyxie dans un horizon ou à l’intérieur d’agrégats ; c’est à partir d’un mois d’absence d’oxygène que ces réactions vont opérer. C’est un indicateur important, puisqu’il illustre bien les faibles échanges gazeux entre le sol et l’atmosphère car, dans un sol bien structuré, l’atmosphère du sol est renouvelée toutes les 24 heures sur une profondeur d’1 mètre. « Tout cultivateur sait qu’une racine a besoin d’oxygène pour pousser en profondeur : évaluer son absence permet de savoir si le potentiel agronomique de son sol est opérationnel tout au long de l’année », ajoute Morgan Curien.
« Avant de prendre la décision de décompacter son sol et d’en déterminer la profondeur, par exemple après un arrachage betteraves en mauvaises conditions, il est vraiment utile pour un agriculteur de faire un profil 3D. Il permet aussi de vérifier a posteriori si le travail a été suffisamment restructurant et si le sol conserve dans le temps sa porosité. Je le recommande particulièrement aux agriculteurs en semis direct ou en techniques culturales simplifiées pendant les premières années. L’observation et l’adaptation valent toujours mieux que des conduites classiques systématiques », affirme-t-il. Un profil 3D après les semis d’automne ou au printemps, au stade épi 1 cm pour du blé, sur sol ressuyé mais assez humide reste un bon outil d’évaluation de la structure de ses sols. •