Marc Fesneau vient prendre la mesure du désarroi du monde agricole à Sainville
À l'invitation du président de l'AGPB, Éric Thirouin, le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, est venu sur une exploitation céréalière de Sainville le 29 juillet, pour prendre la mesure des conséquences de cette récolte catastrophique pour le monde agricole.
À l'invitation du président de l'AGPB, Éric Thirouin, le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, est venu sur une exploitation céréalière de Sainville le 29 juillet, pour prendre la mesure des conséquences de cette récolte catastrophique pour le monde agricole.

« Tout ce qui pourra être fait sera fait », assure le ministre (démissionnaire) de l'Agriculture, Marc Fesneau, à l'issue de sa visite sur l'exploitation d'Éric Genty à Sainville le 29 juillet, ajoutant qu'il donnait rendez-vous dans dix jours pour les premières mesures…
Épuisement et abattement
Tout le monde est là pour cette rencontre organisée à l'initiative du président de l'AGPB*, Éric Thirouin (lire par ailleurs), beaucoup d'exploitants, les représentants de l'ensemble des OPA d'Eure-et-Loir ainsi que ceux de la FNSEA et de Jeunes agriculteurs, Arnaud Rousseau et Quentin Le Guillou en tête. Les députés Guillaume Kasbarian et Harold Huwart se rangent aux côtés du ministre. Le monde agricole est là pour lui décrire la situation et l'alerter sur le marasme dans lequel risque de sombrer bon nombre d'exploitations à la suite de cette récolte calamiteuse.
À l'ombre d'un hangar un cercle se forme. La discussion débute par le témoignage d'exploitants euréliens sur la situation dans leur secteur. À l'image de Yohann Serreau, éleveur laitier dans le Perche, qui rapporte l'état d'esprit général de ses collègues : « c'est l'épuisement et l'abattement. L'année culturale est très compliquée, nous n'arrêtons pas de travailler et nous ne faisons rien de bon », relate-t-il. « Le moral est dans les chaussettes », soupire pour sa part Éric Maisons, scopeur dans le Thymerais, après une quatrième mauvaise récolte en huit ans.
Soutenir les jeunes
Le président de Jeunes agriculteurs d'Eure-et-Loir, Sylvain Marcuard, s'exprime ensuite : « Pour ceux qui font leur première récolte, au niveau du moral, c'est compliqué. Pour eux, il faudra un accompagnement plus complet, ils n'ont ni trésorerie, ni récolte… », pointe-t-il. Pour sa part, le président de la FNSEA d'Eure-et-Loir, Bertrand Petit, demande trois choses au ministre : retirer 2024 de la moyenne olympique, surseoir à l'application de certaines mesures de la nouvelle directive nitrate et payer la prime pour les pois même si la culture est détruite.
Cendrine Chéron, la présidente de la MSA Beauce Cœur de Loire, demande à Marc Fesneau que quelque chose soit fait pour réévaluer les enveloppes de prise en charge. Cette situation met également sur la table le sujet de l'assurance climatique. Le président de la Fédération eurélienne de Groupama, Dominique Lecomte, explique que 70 % des agriculteurs sont assurés, que 3 400 dossiers ont été déposés et 6 millions d'euros déjà provisionnés : « mais les 25 % de franchise vont être durs à digérer », estime-t-il.
Le secrétaire général de Jeunes agriculteurs, Quentin Le Guillou, prend la parole pour rappeler que le problème est national et qu'au delà des rendements, les problèmes de qualité allaient engendrer des réfactions : « Au final, tout ce que l'on craignait cet hiver est en train d'arriver. Nous avons du mal à voir l'avenir. Je compte sur vous pour pousser la PLOA et les autres textes. Cela fait deux mois que nous sommes en stand-by. Il faut redonner de l'élan aux agriculteurs ».
À son tour, le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, s'exprime. Il résume en quelques mots une situation qui tombe alors que les agriculteurs attendent encore que ce qui a été promis se concrétise : « ces réponses ne doivent pas être repoussées aux calandes grecques. Nous avions dit qu'il n'y aurait pas de bazar pendant les Jeux olympiques mais cela nécessite qu'en face il y ait une prise de responsabilité. À situation grave, réponse exceptionnelle ». Il demande donc au ministre d'agir. D'abord au nom de la France à Bruxelles pour activer tous les mécanismes d'urgence européens et aussi de faire tout ce qu'il est possible au niveau national.
Attendre les résultats
Marc Fesneau écoute, prend des notes et la mesure du problème : « Nous sommes sur un 2016, peut-être un peu plus, mais il faut attendre les résultats complets », prévient-il. Sur l'aspect législatif, il assure qu'il y aura du monde pour soutenir les textes. Cependant, on sent bien que l'incertitude est forte et les marges de manœuvre étroites…•
*Association générale des producteurs de blé
« Les moyennes cachent des écarts colossaux »
Le président de l'AGPB, Éric Thirouin, est à l'origine de cette rencontre à Sainville : « Je vous ai sollicité pour venir sur le terrain. La problématique est nationale. Avec Arvalis et Intercéréales, dès le 5 juillet, nous avions alerté sur des baisses estimées autour de 13 % mais on risque de s'approcher des 20 % en moyenne. Mais ces moyennes cachent des écarts colossaux, pouvant aller jusqu'à 50 %. Et par rapport à 2016, ces résultats vont être amplifiés par des charges beaucoup plus hautes ».
Jeter l'éponge
Il poursuit : « Aujourd'hui, les agriculteurs qui m'appellent me disent qu'ils veulent jeter l'éponge. Je n'avais pas entendu ça les autres années. Ça veut dire le désarroi mais aussi que l'on a perdu confiance pour la suite. L'enjeu est là », pointe-t-il. Il demande au ministre de répondre aux demandes de la MSA, le dégrèvement systématique de la TFNB, d'abonder le fonds d'allègement des charges : « je sais que c'est compliqué mais il est indispensable de trouver les fonds d'une manière ou d'une autre. Il faut des réponses, à mon sens cela doit dépasser les clivages politiques ».
Au sujet de l'assurance, Éric Thirouin demande que les mécanismes se déclenchent sans délais pour ceux qui dépassent le seuil des 50 % de perte et que les experts puissent se mobiliser avant la fin de la moisson. Il termine son propos en rappelant que l'agriculture subit de plein fouet les aléas climatiques mais aussi le fait « que les politiques passées nous retirent tous les moyens de protection des cultures les uns après les autres. Il va falloir trouver des solutions pour nous débarrasser des ray-grass et du vulpin ».•