L'écimeuse-récolteuse : une solution de lutte durable contre les adventices résistantes
La Fédération des Cuma Seine Normande a invité des producteurs à découvrir le travail de l'écimeuse récolteuse conçue par un jeune agriculteur de Seine-et-Marne.
La Fédération des Cuma Seine Normande a invité des producteurs à découvrir le travail de l'écimeuse récolteuse conçue par un jeune agriculteur de Seine-et-Marne.






Dans le cadre d'Innov' action, la Fédération des Cuma Seine Normande présentait une démonstration dynamique de l'écimeuse récupératrice le 2 octobre chez Jean-Baptiste Vin installé à Ectot-l'Auber. Diverses études scientifiques ont démontré qu'environ 40 % des graines d'adventices échouent sur le sol avant la moisson. Les récupérer avant et les sortir du champ permet de diminuer grandement le stock de semences.
L'écimeuse Zürn Top Cut a été inventée par un jeune agriculteur, Romain Bouillé, qui exploite une ferme céréalière en Seine-et-Marne. « J'avais des vulpins et ray-grass résistants sur l'exploitation et plus de solution pour m'en débarrasser. Avec des pièces qui étaient sur l'exploitation, j'ai eu l'idée de fabriquer une machine dotée d'un guidage précis en hauteur qui coupe et récupère tout ce qui dépasse de la culture en place pour le transporter hors du champ. J'ai travaillé avec ce matériel tous les ans sur mes parcelles très sales, entre la mi-mai jusqu'à début juillet pour sortir les graines de vulpins et de ray-grass. Sur certaines parcelles il n'était d'ailleurs plus possible d'implanter des betteraves. Aujourd'hui elles sont quasiment propres et je ne fais plus de passages systématiques », explique Romain Bouillé, également directeur de Bouillé Concept.
Dans toutes cultures, l'écimeuse- récolteuse est adaptée aux adventices les plus diverses tout au long de la saison : chénopodes, chardons, rumex, repousses, graminées... il est possible d'écimer à tous les stades de leur croissance.
Aujourd'hui, Romain Bouillé a confié la production en série et la commercialisation à Zürn Harvesting. Le constructeur allemand a une expérience dans le domaine des systèmes à coupe à tapis et du transport.
« À la Cuma de la Côte Verte, à Limésy, nous sommes en réflexion pour acheter cette machine. Aujourd'hui, nous n'arrivons plus à désherber avec la chimie seule. Il nous faut imaginer d'autres solutions et nous aider à les mettre en place. Il faut arrêter de croire que les agriculteurs ne veulent pas mettre en place les nouvelles solutions mais avant de baisser les IFT (indicateurs de fréquence de traitements phytopharmaceutiques), nous souhaitons d'abord obtenir de bons résultats avec les nouvelles technologies », précise Jean-Baptiste Vin.
Un système de coupe double lame
L'agri-inventeur a rappelé les points forts de son innovation qui a reçu un prix spécial au Sima 2022 :
- un système de coupe à double lame, non aiguisable qui bouge alternativement. Les sections coupent net les adventices sans secouer la plante, permettant de monter rapidement les graines sur le tapis latéral ;
- les rabatteurs hélicoïdaux fonctionnent en souplesse, sans égrainer les adventices qui sont emmenées sur les tapis latéraux. Ces tapis convoyeurs situés sur les deux rampes transportent les adventices vers le centre de l'écimeuse, sur un tapis de trémie dont la vitesse est réglable en fonction du poids des graines ;
- la hauteur de coupe est hydrauliquement réglable entre 30 cm et 1,60 m. Les deux rampes latérales sont guidées par des roues de jauge réglables depuis la cabine du tracteur. Un kit céréales est disponible pour une meilleure stabilité de la rampe dans les cultures hautes.
Un faible besoin de puissance
La trémie de 7 000 litres est dotée d'un système de vidange hydraulique. Les rampes sont repliables hydrauliquement pour le transport. Elles peuvent être d'une largeur de travail de 9 ou 12 mètres.
« Toute la machine fonctionne à l'hydraulique, permettant une grande précision de réglage. Un débit hydraulique de 80 litres/minute est nécessaire. L'un des intérêts de la machine est son faible besoin de puissance », ajoute Robin Guyomard, responsable de la R&D chez Bouillé Concept.
Dans la trémie, des milliards de graines peuvent être ramassées qui sont extraites de la parcelle. Mises en tas en bout de champ, elles s'autodétruisent sur le sol. « J'ai déposé des graines de ray-grass sorties des parcelles qui n'ont pas bougé la première année mais qui ont germé au bout de trois ans. Une graine sur le sol ne germe pas forcément l'année N mais sa dormance est levée au bout de 3-5 ans selon les espèces. Donc l'écimage sans récolte peut sembler efficace la première année, avant que la dormance ne soit levée quelques années après », précise Romain Bouillé.
« Des études réalisées avec Arvalis ont montré qu'une graine de folle avoine, même verte, peut germer, d'où l'importance de la ramasser », ajoute Robin Guyomard.
La solution Cuma
Le coût de la prestation réalisée par une ETA s'élève à 95 euros/ha. La solution Cuma est donc intéressante à envisager, pour baisser le coût et avoir la machine à disposition, avec un chauffeur dédié qui saura bien la régler en fonction des adventices et du stade de la culture de vente.
Gauthier Savalle, animateur agroéquipement de la Fédération des Cuma Seine Normande, a présenté un calcul du coût du chantier de désherbage mécanique avec une écimeuse : « par exemple, pour 350 hectares par an, en prestation complète, c'est-à-dire en prenant en compte le carburant à 1,30 euro le litre, le coût horaire du tracteur de 25 euros, le coût horaire de la main-d'œuvre de 25 euros, le coût du matériel de 50 euros par hectare, avec un débit de chantier de 2,4 hectares par heure, le coût de la prestation s'élève à 79 euros de l'hectare ».
Répondant aux questionnements des agriculteurs présents, Romain Bouillé a annoncé un prix de 105 000 euros à partir du 1er janvier 2025.
« Au niveau des aides, ce matériel devrait être éligible au dispositif Normandie Investissement qui vient d'ouvrir à nouveau ce 1er octobre avec des niveaux d'aide pouvant aller de 20 à 40 %. Ensuite il est possible de se rapprocher de l'Agence de l'eau qui aide également les investissements qui vont dans le sens d'une baisse d'IFT », conclut Gauthier Savalle.•