Histoire de vaches, histoire d'homme
Le Gaec du Mesnil Allard est depuis sa création tourné vers l'élevage et la production laitière, comme la grande majorité des fermes de ce secteur, au nord du pays de Bray et à quelques encablures de la Somme. Au fil des ans, au gré des passions des hommes qui le compose, le système évolue, réduisant peu à peu la production laitière.
Le Gaec du Mesnil Allard est depuis sa création tourné vers l'élevage et la production laitière, comme la grande majorité des fermes de ce secteur, au nord du pays de Bray et à quelques encablures de la Somme. Au fil des ans, au gré des passions des hommes qui le compose, le système évolue, réduisant peu à peu la production laitière.



L'exploitation dans sa forme actuelle est née en 1987, date à laquelle deux frères, Daniel et Dominique Lequien, s'installent sur la commune de Saint-Léger-aux-Bois, au nord-est de la Seine-Maritime et à quelques kilomètres de celui de la Somme. À l'époque, l'exploitation est composée de 120 hectares, majoritairement en herbe, et d'un troupeau de vaches laitières. En 2004, Thomas, fils de Daniel, s'installe en reprenant une quarantaine d'hectares. Les trois associés vont alors travailler ensemble jusqu'au départ à la retraite de Daniel. Dominique et Thomas confortent alors l'exploitation en reprenant des terres familiales proches. La structure, telle qu'elle demeure aujourd'hui, met en valeur 180 hectares et un troupeau laitier. La sole comprend environ 75 hectares de prairies permanentes. Les terres arables sont occupées par du maïs destiné à l'alimentation des vaches laitières, des céréales, du colza et un peu de lin.
La traite au cœur des débats
Le départ à la retraite du père de Thomas a marqué un premier tournant dans l'histoire de l'exploitation familiale. Car si les associés ont régulièrement des apprentis pour les seconder, la question de la main-d'œuvre, pour traire notamment, s'est rapidement posée. Une première décision a été alors prise en 2023. Les deux associés ont décidé de réduire la production laitière et le nombre d'animaux présents. " Nous avions besoin d'adapter notre système pour faire face au départ d'un associé ", explique Thomas Lequien. Une quinzaine d'hectares de prairies sont alors retournés, avec " les autorisations nécessaires et l'avis favorable du bassin-versant ", souligne-t-il. L'évolution de l'exploitation ne devrait pas s'arrêter là puisque Dominique, lui aussi, fera valoir ses droits à la retraite dans quelques années. La question de la main-d'œuvre va alors s'accentuer, d'autant que Thomas " n'a pas une grande passion pour la traite et la production laitière ", avoue-t-il même franchement. Le choix d'arrêter la production laitière est même " presque acté ", reconnaît l'exploitant. À terme, l'élevage ne disparaîtra pas, convaincu que la polyculture-élevage est un système vertueux mais évoluera.
La production de viande remplacera celle de lait. Une quinzaine d'hectares d'herbe pourraient donc être convertis en terres arables. " Il nous restera 45 hectares de prairies permanentes, de quoi conduire un troupeau de vaches allaitantes en misant sur l'herbe et en réduisant la part du maïs ensilage ", explique Thomas Lequien pour qui, " retourner des praires n'est pas une fin en soi mais bien la conséquence d'une évolution presque inéluctable de notre système ". Le travail syndical mené sur le ratio prairies est donc perçu comme un réel acquis pour Thomas Lequien qui milite pour que " l'herbe puisse être conduite comme les autres cultures, dans le respect des enjeux environnementaux liés à l'herbe naturellement ", conclut-il.•
GUILLAUME BUREL, vice-président de la FNSEA 76
"La révision du ratio prairies était une nécessité
Parmi les revendications exprimées ces derniers mois, plusieurs d'entre elles concernaient l'Europe et, plus précisément, la politique agricole commune. Dans les sujets qui ont concentré la crispation du monde agricole, figurait la révision du ratio pairies. Pour mémoire, le ratio normand s'étant dégradé au-delà des limites fixées par la réglementation Pac, la région tout entière devait basculer inexorablement dans un régime d'interdiction de retournement et d'obligation de remise en herbe en 2024. Plus de 700 agriculteurs normands auraient été contraints de remettre des parcelles en herbe. Que ces exploitants aient décidé d'arrêter l'élevage ou qu'ils aient juste besoin de réorganiser leurs parcellaires, qu'importe. La règle est injuste mais c'est la règle. Dès l'annonce de cette mesure, la Normandie a été particulièrement active. La FRSEA Normandie et toutes les fédérations départementales, soutenues par le réseau des Chambres d'agriculture, se sont mobilisées pour demander une révision du calcul de ce ratio prairies. Les actions syndicales menées sur le terrain en France et ailleurs, accompagnées par la pression mise par FNSEA - JA auprès du ministre de l'Agriculture et de la Commission européenne, ont permis de faire avancer le dossier. À la demande du syndicalisme FNSEA - JA, la Commission européenne a décidé d'activer une clause du règlement européen et de donner aux États membres la possibilité de revoir le mode de calcul de ce ratio prairies. Début novembre, l'État français a donc décidé, pour six régions dont la Normandie, de retraiter le ratio prairies en reprenant nos arguments et en considérant notamment que la diminution des prairies est d'abord liée au recul de l'élevage. Il résulte de ces éléments qu'aucune région n'est concernée par un régime d'interdiction et de réimplantation pour 2025. Cette décision européenne appliquée en France est évidemment une victoire importante pour nos réseaux FNSEA - JA. Le ratio normand recalculé évite donc aux 700 exploitants sous la menace d'une réimplantation de le faire et accorde un peu de souplesse pour les années à venir. Attention toutefois, pour les agriculteurs de Seine-Maritime, l'obligation d'avoir un avis des syndicats de bassin-versant demeure. Enfin, rappelons que cette possibilité de recalcul donnée aux États membres n'est valable qu'une fois au cours de la programmation 2023-2024. Cette avancée sur la BCAE 1 montre, s'il en était besoin, que la mobilisation, dès lors qu'elle est argumentée, finit par payer, même au niveau européen. Une fois n'est pas coutume, l'Europe a su entendre nos arguments pour apporter de la cohérence à une politique agricole commune qui en manque parfois.
Propos recueillis par Simon Huet