Reboiser des terres agricoles.
Le boisement de terres agricoles demande une certaine technicité. Témoignage de Patrick de Montfort à Ourville-en-Caux.
Réalisé dans de bonnes conditions, le boisement de terres agricoles constitue une mise en valeur des parcelles n'ayant plus d'usage agricole. Ces boisements peuvent remplir des objectifs variés et complémentaires : économique, paysager, cynégétique, environnemental (corridor écologique, lutte contre l'érosion, effet positif sur la qualité de l'eau).
Faire pousser des arbres est un métier
Patrick de Montfort est agriculteur à Ourville-en-Caux. A ce jour il a reboisé 21 hectares de terres agricoles. Après avoir arrêté l'élevage bovin, il a décidé de planter des arbres sur des herbages en pente situés en lisière d'un bois. Malgré sa passion des arbres, il s'est très vite rendu compte que de les faire pousser, c'est un métier. Il s'est donc rapproché de la coopérative forestière. Les plantations ont été réalisées sur plusieurs années. La dernière a été faite en 2017.
« J'ai commencé à planter il y a 22 ans car j'ai la passion des arbres. Cela permet également d'obtenir des exonérations d'impôts fonciers sur 50 ans dans le cas de feuillus et 30 ans dans le cas de résineux. J'ai choisi de faire un plan simple de gestion volontaire sur ces 21 hectares car cela permet des facilités de transmission. Avec un PSG, l'assiette de calcul est de 25% de la valeur de la propriété ». Le plan simple de gestion n'est obligatoire que si la surface boisée dépasse les 25 ha et il est volontaire entre 10 et 25 ha.
Il y a une aide de la Région Normandie de 1000 euros pour la rédaction d'un PSG volontaire individuel et de 2000 euros + 15 euros par hectare si le PSG est volontaire collectif
Le choix des essences a été fait en fonction du sol et de la volonté du propriétaire. Des analyses de terre ont donc été réalisées. Des entreprises sont venues planter les arbres mais Patrick de Montfort a effectué beaucoup de travaux par lui-même : le sous-solage, le passage du gyrobroyeur entre les rangs, la pose des protections contre le gibier, le désherbage avant et après la plantation, les tailles de formation. « Les graminées sont le danger pour les feuillus. Il faut être vigilant sur le désherbage au moins durant 2 ans et être bien au courant de la réglementation. Les produits homologués sont différents une fois la plantation réalisée. Ils entrent dans la catégorie arbres et arbustes d'ornement. Ensuite, une fois que la plantation atteint 3 mètres de haut, ce sont d'autres produits à usage forêt qui sont autorisés ».
Entre technique forestière et agricole
Le coût total du reboisement est de 2800 euros/ha HT. Cela comprend la fourniture des plants et des protections ainsi que la plantation par l'entreprise. Le choix des essences en fonction de la nature du sol est le plus important. L'excès d'humidité du sol ou la présence de calcaire actif sont des facteurs limitants. Sur des sols limoneux, le risque de compactage est important lors de l'entretien de la plantation, et peut entraîner le développement de maladies.
Le travail du sol est souvent indispensable car le sol est compacté et la concurrence des graminées ralentit le développement des jeunes plants. Par exemple, le châtaignier est particulièrement sensible au tassement, ce qui peut entraîner le développement d'un pathogène, l'encre. En prairie, la végétation peut être détruite chimiquement au moins sur l'emplacement des futures lignes de plantation qui seront ensuite sous-solées sur sol ressuyé. Ces deux techniques peuvent être couplées avec le paillage.
Des aides de l'Agence de l'eau
« Le boisement de terres agricoles peut participer à la lutte contre le ruissellement et à l'épuration des eaux. Les eaux forestières ont une teneur nitrate en général inférieure à 5 mg/l. Il faut également préciser que le montant de la location d'une chasse dans un bois est beaucoup plus élevé que pour des terres agricoles. Il est cependant soumis à l'impôt sur le revenu. On peut augmenter le plan de chasse qui est calculé sur trois fois la surface reboisée durant 5 ans, c'est le bonus à la plantation », précise Cyril Retout, technicien forestier au centre régional de la propriété forestière de Normandie qui rappelle que l'agence de l'eau a subventionné certains boisements de terres agricoles à hauteur de 70 % du coût. Toute la Seine-Maritime est éligible et le dossier est à monter avec le syndicat de bassin versant. Il est également possible d'avoir une réduction d'impôt sur les travaux forestiers sous certaines conditions (Defi forêt).
« L'agriculteur doit consulter le règlement s'il est dans un périmètre de captage d'eau. Il doit également se renseigner sur diverses réglementations (Natura 2000, site naturel classé, périmètre de protection d'un monument historique). Le CRPF peut renseigner les propriétaires sur les règlementations en vigueur. »
Enfin, depuis 2017, les premiers boisements d'une surface supérieure à 0,5 ha font l'objet d'une demande d'examen au cas par cas auprès de la Dréal. S'il n'y a pas de réponse sous 35 jours, une étude d'impact doit alors être réalisée.
Le Centre régional de propriété forestière peut vous renseigner pour votre projet de boisement au 02 35 12 25 80 ou se connecter au site
Zoom
Chez Patrick de Montfort, neuf essences ont été plantées avec un mélange d'essences objectif (hêtre, chêne sessile, chêne rouge, merisier, érable sycomore, châtaignier, frêne) et d'essences d'accompagnement pour le gainage (aulne et charme). Une petite éclaircie a déjà été réalisée sur la parcelle qui a 22 ans et une nouvelle coupe est prochainement programmée afin de récolter du bois de chauffage. Les arbres pourront être vendus en bois d'oeuvre quand leur diamètre atteindra les 35cm. La vente de bois n'est pas soumise à l'impôt sur le revenu.