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Législatives : l’agriculture dans l’incertitude

Malgré un résultat surprise, le second tour des législatives a fait tomber peu de candidats agricoles, à l’exception de Grégoire de Fournas (RN) et d’Éric Girardin (Ensemble). Au lendemain des résultats qui n’ont dégagé aucune majorité absolue, l’agriculture ne sait pas encore – à l’instar de la France – quelle direction lui fera prendre le futur gouvernement. La gauche promet un nom pour Matignon dans la semaine, Attal reste pour l’instant en poste. Dans l’hypothèse d’un gouvernement Nouveau front populaire, les yeux se tournent vers trois personnes pour le poste de ministre de l’Agriculture : Aurélie Trouvé, Dominique Potier et Benoît Biteau. Mais pour quel programme ?

La stratégie de barrage contre l’extrême droite a fonctionné à plein. Ce 7 juillet, la nouvelle Assemblée nationale n’a pas connu la vague Rassemblement national attendue. En revanche, aucune des coalitions ou des partis n’a décroché de majorité absolue à l’issue des élections législatives, ce qui laisse augurer une période d’instabilité ou de recomposition politiques dans les prochaines semaines, voire les prochains mois, pour la France, comme pour l’agriculture.
Dans le détail, c’est donc le Nouveau front populaire (NFP) qui l’a emporté avec 184 sièges ; pour LFI (La France insoumise) qui a obtenu 78 députés (contre 75 en 2022) peu de changement ; en revanche, le PS progresse avec 69 sièges (contre 31 en 2022), tout comme les écologistes avec 28 élus (contre 23 en 2022). Les communistes ne seront pas assez nombreux (9) pour faire un groupe indépendant ; pour ce faire, ils devront s’entendre avec des dissidents LFI ou avec des divers gauche.
La coalition présidentielle sort deuxième avec 166 sièges, contre 246 en 2022 ; Renaissance s’affaisse avec 99 élus, contre  172 en 2022, tout comme le Modem 33 (48 en 2022) et Horizons 26 (30 en 2022). Enfin, le bloc d’extrême droite progresse moins qu’attendu – il n’a réussi à faire élire que 143 députés – dont 126 pour le RN contre 89 en 2022. La droite récolte quant à elle 65 sièges.

De Fournas et Girardin sortent

Qu’ils soient ministres de l’Agriculture, députés sortants du Nouveau front populaire, des Républicains, du camp présidentiel (Ensemble, Modem) ou du Rassemblement national, tous les candidats spécialistes d’agriculture qui s’étaient qualifiés pour le second tour des législatives ont été élus ce 7 juillet, à deux exceptions.
D’abord celle du viticulteur de Gironde, Grégoire de Fournas. En tête des résultats provisoires durant une partie de la soirée, le député du Rassemblement national a finalement été sorti de justesse en Gironde (49 %), à 1 000 voix près. Il faut ajouter Éric Girardin, député LR de la Marne, auteur en 2022 d’un rapport sur la transmission des exploitations viticoles. Il a été vaincu dans la capitale du champagne par un candidat RN-LR, également à 1 000 voix près.
Cela s’est aussi joué de justesse – à 500 voix – pour le député LR de l’Aisne Julien Dive ; l’auteur d’une proposition de loi sur le calcul des retraites agricoles s’est imposé in extremis. Le score a également été serré en Charente-Maritime, où Anne-Laure Babault (Modem) s’était désistée en faveur de l’ex-eurodéputé Benoît Biteau ; l’agriculteur du NFP s’est imposé de justesse (53 %).

Les ministres passent grâce au barrage

Les deux ministres de l’Agriculture, Marc Fesneau (Modem) et Agnès Pannier-Runacher (Ensemble), sont passés avec respectivement 60 % et 55 % des voix, grâce aux désistements de leur concurrent NFP. Dans le Sud, le député Ensemble Jean Terlier, auteur d’une PPL sur les baux ruraux, passe de justesse avec 51 %. Du côté du Rassemblement national, le viticulteur Christophe Barthes a été réélu largement dans l’Aude avec 61 %.
Rappelons que quelques candidats agricoles avaient été sortis dès le premier tour. C’est le cas de l’ancien député et éleveur Jean-Baptiste Moreau, qui se présentait sous les couleurs d’Ensemble (majorité présidentielle) qui a été mis hors jeu sèchement dans la Creuse. Reconverti dans le lobbying, l’ancien rapporteur de la loi Egalim est arrivé 4e avec 17,47 % des voix.
D’autres avaient dû se désister pour faire barrage au Rassemblement national, malgré leur victoire au premier tour. C’est le sort réservé au rapporteur du projet de loi sur la gestion des risques agricoles, le député Ensemble Frédéric Descrozaille, qui était arrivé en troisième position dans le Val-de-Marne.
Même cas de figure pour le jeune député Ensemble Alexis Izard qui termine troisième dans l’Essonne. Il ne terminera pas ses travaux parlementaires sur la préfiguration d’une loi Egalim 4.

Trois profils pour une Rue de Varenne NFP

Au lendemain des résultats du second tour, l’incertitude est à son comble. Arrivée en tête des législatives, mais loin de la majorité absolue, la gauche assure le 8 juillet qu’elle proposera « dans la semaine » un nom pour Matignon, où Gabriel Attal, qui a présenté sa démission au chef de l’État, a été maintenu pour « assurer la stabilité du pays », dixit ce dernier.
La gauche met déjà la pression sur Matignon. La cheffe des écologistes Marine Tondelier a estimé qu’Emmanuel Macron « devrait appeler aujourd’hui » la gauche « à lui transmettre un nom de Premier ministre ». Le socialiste Olivier Faure a pour sa part souhaité que le NFP « puisse être en mesure de présenter une candidature » pour Matignon « dans la semaine ».
Dans l’hypothèse d’un gouvernement NFP, plusieurs profils s’imposent comme candidats naturels au poste de ministre de l’Agriculture : Aurélie Trouvé, Dominique Potier, ou Benoît Biteau.

Trouvé ne veut pas “s’imposer”

Élue en 2022, la maître de conférences en économie à AgroParisTech Aurélie Trouvé s’est rapidement imposée comme la référente agricole du groupe LFI à l’Assemblée, rôle occupé par Loïc Prudhomme durant la précédente mandature. Interrogée par Agra Presse, elle répond : « Je ne m’exclus pas, je ne m’impose pas », tout en précisant que « c’est une discussion et une décision collective du NFP ».
Le deuxième en lice serait le député socialiste Dominique Potier, spécialiste des questions agricoles – il n’a ni infirmé, ni confirmé d’intérêt pour le poste. Cet ancien agriculteur a participé à plusieurs projets de textes d’encadrement du foncier, et plus récemment à des travaux sur Ecophyto et la séparation de la vente et du conseil sur les pesticides.
Enfin, le troisième nom est celui de l’agriculteur EELV Benoît Biteau. Il avait pâti du faible score des écologistes aux élections européennes, ne parvenant pas à être reconduit à son poste d’eurodéputé qu’il occupait depuis 2019. On peut encore citer le député communiste André Chassaigne, connu pour ses lois sur les retraites agricoles – mais il n’est pas intéressé, indique-t-il à Agra Presse. De même, le député socialiste Guillaume Garot, ancien ministre délégué à l’Agroalimentaire, très actif sur la question du gaspillage, « n’est pas candidat ».

Parcours semé d’embûches pour la LOA

Quid des dossiers agricoles en cours ? Dans l’hypothèse à court terme d’un gouvernement penchant vers la gauche, le futur de la loi d’orientation agricole (LOA) semble plus que jamais obscurci. En effet, en première lecture, le texte avait été adopté par le camp présidentiel grâce aux voix des députés Les Républicains, mais désormais l’ensemble de ces deux groupes ne constitue plus de majorité absolue.
Certes, en théorie, l’examen du projet de loi est toujours en cours, car à l’inverse du projet de loi Fin de vie, la LOA a été adoptée par une des deux chambres ; la première lecture achevée à l’Assemblée, le Sénat peut donc décider de l’examiner à son tour, indiquent les services parlementaires. Mais la chambre haute y daignera-
t-elle ? Questionné sur le sujet, le sénateur LR Laurent Duplomb, tête de file sur les questions agricoles, affirme ne pas savoir.
Si la LOA venait à y être examinée, il reviendrait au gouvernement – dont la couleur politique exacte est encore inconnue – de convoquer une commission mixte paritaire (CMP). Et si cette CMP devait être non conclusive, ce serait à l’Assemblée de décider ou non de tenir une seconde lecture. Mais l’incertitude est la plus totale – d’autant que la gauche semble encore indécise.

Droite et Ensemble y tiennent, la gauche ne l’écarte pas

Parmi les parlementaires fraîchement réélus, les députés du camp présidentiel et de la droite, qui ont permis l’adoption de la LOA à l’Assemblée, espèrent résolument que le Sénat reprendra son examen.
L’ancien ministre de l’Agricul­ture Stéphane Travert veut, pour ce faire, « trouver une coalition » à l’Assemblée. Selon lui, la LOA en serait la priorité agricole, avec la loi sur les pesticides, et les mesures “de compétitivité” annoncées pour le projet de loi de finances (PLF) ; à l’inverse, le projet de loi Egalim 4 ne lui semble pas prioritaire. Chez les LR, Julien Dive « espère » que le texte n’est pas enterré.
À gauche, la question ne semble pas encore clairement arbitrée. Le socialiste Guillaume Garot estime que le texte « doit reprendre son cheminement », à condition qu’il soit « complété sur les moyens financiers, la formation et la transition agroécologique », explique-t-il à Agra Presse. Pour l’ancien ministre, « il y a une attente ».
Moins allante, la députée LFI Aurélie Trouvé estime que la LOA « est quasiment vide, donc la question serait surtout de savoir comment on la complète ». Mais, en termes de calendrier, les priorités se situent plutôt du côté de la mise en place du « blocage de prix » des aliments de première nécessité, et des « prix garantis » pour les agriculteurs.
Pour le communiste André Chassaigne, « tout dépendra du gouvernement qui sera mis en place – vraisemblablement après l’été –, rien n’est exclu ».•

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